Pourquoi nous sommes Alsaciens, laïques et contre le Concordat
LAÏCITE
« Pourquoi nous sommes Alsaciens, laïques et contre le Concordat »
Au moment où la laïcité sert de prétexte à l’inspection des abattoirs, je crois très opportun de rappeler au bon souvenir de tous les nouveaux zélés de la laïcité qu’il y a un combat actuel à mener. Celui qui veut étendre à tout le territoire de la République les bénéfices de l’application de la loi de 1905. C’est-à-dire à la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, la Polynésie et l’Alsace-Moselle. Dans tous ces départements et territoires, le Concordat ou les décrets de Charles X sont encore la loi. Vous connaissez ce dossier évoqué ici à de nombreuses reprises. Vous pouvez retrouver mes textes en utilisant le moteur de recherche du blog. Nous avons relancé le débat à partir de la proposition de François Hollande d’inscrire le Concordat dans la Constitution. Dans la presse, Eddy Kaldi dans « Le Monde Diplomatique » et Henri Peña-Ruiz dans « Le Monde » ont argumenté puissamment dans notre sens. Mais la question est moins vendeuse que la viande hallal. Les amis du Concordat peuvent donc se dire « pas vu pas pris ». Je veux donc contribuer à vous mettre en alerte et à relancer une mobilisation contre une idée très néfaste. Bien sûr ce combat permet de faire avancer l’idée inverse : l’extension de la loi de 1905 à tout le territoire et de reposer la question de l’unité et l’indivisibilité de la communauté légale. Dans cet esprit je vous propose de lire un texte venu « du terrain ».
« Pourquoi nous sommes Alsaciens, laïques et contre le Concordat ». Ce texte clair et direct, dont le titre est un défi lancé aux thuriféraires d’une soi-disant Alsace grégairement regroupée sur des archaïsmes, est paru en « point de vue » sur « lemonde.fr » du 17 février dernier. Il est signé par William Gasparini, professeur des universités, Josiane Nervi-Gasparini, maître de conférences en mathématiques, Université de Strasbourg. Ce sont des balises d’alerte qui marquent la mise en mouvement de secteurs de la mouvance laïque. Elle ne fait que commencer. J’appelle à l’amplifier. Lisons donc ce texte des réfractaires. Il peut être diffusé à profit par ceux qui le souhaitent.
« Dans un article publié dans Le Monde du 10 février 2012 ("Pourquoi nous sommes Alsaciens, laïcs et pour le Concordat"), Roland Ries, sénateur-maire socialiste de Strasbourg, se revendique "concordataire" et affirme appartenir, tout comme les principaux leaders politiques alsaciens – du PS à l'UMP, en passant par le Modem et Europe-Ecologie – "à la très grande majorité des Alsaciens et Mosellans, d'obédiences religieuses diverses, laïques ou même athées, qui soutiennent le régime concordataire". Aucune enquête sérieuse ne confirme à ce jour de telles affirmations. Bien au contraire, comme partout ailleurs sur le territoire français, les pratiques religieuses se sont étiolées et la fréquentation des cours de religion dans les établissements scolaires (spécificité d'Alsace-Moselle) ont considérablement diminué.
Comme de nombreux Alsaciens, nous pensons qu'il faut en finir avec le Concordat d'Alsace-Moselle, régime napoléonien dépassé, à l'opposé d'une conception républicaine et laïque de la France. Contrairement à une vision compassionnelle et erronée de la "société alsacienne", le Concordat n'assure pas le "vivre-ensemble" mais crée les conditions d'une séparation communautaire organisée entre les religions elles-mêmes (en excluant tout autre culte que les quatre cultes reconnus) et par ailleurs entre les croyants et les agnostiques ou les athées. Loi de concorde, la loi de 1905 garantit au contraire, en séparant les Eglises et l'Etat, la liberté de conscience et par conséquent celle de culte. Cette loi de liberté qui doit s'appliquer partout sur le territoire français rappelle que la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte en application des deux principes fondamentaux que sont l'égalité entre les citoyens et l'universalité de la dépense publique.
Le régime concordataire est en contradiction flagrante avec ces deux principes. D'une part, seuls quatre cultes (catholique, protestants réformé et luthérien, israélite) sont reconnus. D'autre part, le Concordat a un coût très élevé pour le budget de l'Etat : plus de 50 millions d'euros ont été dépensés en 2011 pour rémunérer les 1 400 ministres des cultes alors même que, depuis 2007, le gouvernement a supprimé 65 000 postes dans l'Education nationale. Pour le seul Bas-Rhin, plus de 400 postes d'enseignants seront supprimés à la rentrée 2012. L'argent public doit financer les services publics qui sont notre bien commun (école, hôpital, crèches, services sociaux, etc.) et non les cultes qui relèvent des pratiques privées. Il est paradoxal que ceux qui défendent le Concordat suppriment dans le même temps des postes dans la fonction publique d'éducation ou de la santé au nom d'une supposée gestion rationnelle des fonds publics (sous l'effet de la révision générale des politiques publiques). Outre le régime concordataire, le statut scolaire local (lois Falloux de 1850) est toujours en vigueur dans les établissements scolaires, instaurant l'enseignement religieux obligatoire à l'Ecole et la prise en charge par l'Etat des salaires des "enseignants de religion", prélevés sur les deniers publics de la totalité des citoyens français.
Les tenants du régime concordataire brouillent le débat et cultivent l'amalgame entre le Concordat et le droit social local pour créer des inquiétudes infondées auprès des Alsaciens et Mosellans. Hérité de la période allemande, ce droit local en matière de sécurité sociale est favorable aux salariés d'Alsace-Moselle qui en assument d'ailleurs la charge financière supplémentaire. Nous considérons que c'est là un modèle dont nous pourrions nous inspirer pour l'étendre aux autres départements suivant le principe d'alignement des droits sociaux par le haut. Nous, Alsaciens venant d'horizons sociaux, culturels, religieux et philosophiques très divers, attachés à notre patrimoine culturel hérité des Lumières et de la Révolution de 1789, affirmons que la laïcité est le socle de tout projet d'émancipation citoyenne. Celle-ci n'est pas la guerre aux religions, bien au contraire elle met fin aux conflits religieux et aux surenchères communautaires. En toute rationalité, on ne peut se réclamer de la loi de 1905 et soutenir simultanément l'exception concordataire. »
On peut retrouver ce texte ici
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