L'affaire "STOCAMINE" (2ème partie : Une lutte au long cours contre un projet irresponsable)

Publié le par Yves HOLL

3°) La lutte contre le projet Stocamine

Comme nous l'avions conclu dans la 1ère partie de ce dossier, la lutte contre ce funeste projet "Stocamine", d'enfouissement de déchets toxiques et fort dangereux, se développe autour de deux enjeux fondamentaux

i) Empêcher les tenants de l'économie capitaliste, productiviste par essence, de maquiller la disparition de la masse des déchets immanquablement générés par son activité, selon son principe résumé dans cette citation, fictive mais qui pourrait très bien sortir de la bouche de l'un de nos grand "décideurs"  : "Balayons ces cochonneries sous le tapis et n'en parlons plus. Et que les générations futures s'en débrouillent." Les opposants à cette réalisation subreptice exigent au contraire que le problème soit traité au vu et au su de l'ensemble de la société, et que les désagréments et les coûts soient assumés au présent, et dans la transparence.

ii) Et, bien sûr, prévenir le risque majeur de pollution de la nappe phréatique rhénane, qui s'étale sur plus de 5000 km2 entre Bâle et Francfort (la zone colorée en marron sur la carte ci-dessous) et alimente en eau potable sept à huit millions d'Européens.

 
Localisation de la nappe phréatique du Rhin supérieur, entre Bâle et Francfort (zone marron)

Localisation de la nappe phréatique du Rhin supérieur, entre Bâle et Francfort (zone marron)

Plutôt bien accueilli au départ, notamment par les syndicats de mineurs, au nom de l'emploi et de la protection de l'environnement contre la pollution, le projet de stockage souterrain ne suscite l'opposition que d'une poignée d'individus, demeurés pour certains des figures historiques de la lutte : Etienne Chamik, ancien mineur visionnaire, Yann Flory (association Gaïa (https://destocamine.fr/gaia/), aujourd'hui encore porte-parole du collectif "Destocamine", Josiane Kieffer (association CLCV - Consommation, Logement, Cadre de Vie, association de consommateurs de niveau national : https://www.clcv.org/), Jean-Pierre Hecht, mineur CFDT, Roger Winterhalter, ancien maire PSU de Lutterbach (Parti Socialiste Unifié. parti politique situé entre le PCF et la SFIO - puis le PS, fondé en 1960, dissout en 1990, proche de la CFDT des origines. Michel Rocard en fut une figure emblématique), Antoine Waechter, militant politique écologiste de la première heure en Alsace, pour ne citer qu'eux.

Yann Flory et Etienne Chamik, figures historiques de la lutte devant la mine, 1er janvier 1997

Yann Flory et Etienne Chamik, figures historiques de la lutte devant la mine, 1er janvier 1997

Mais, sous l'impulsion des pionniers, l'opposition, rejointe par de nombreux élus locaux, se structure, prend de l'ampleur et se transforme en un mouvement de lutte au long cours, multiforme, déterminé et radical. Ses militants fondent en décembre 2010 le collectif "Destocamine" déjà cité, constitué d'une dizaine d'associations (CLCV25, Alsace Nature, le Bund allemand, etc ... ) et des syndicats locaux de mineurs CGT, CFDT et CFTC (voir la composition complète de Destocamine dans la référence ci-après : https://destocamine.fr/qui-nous-sommes/). A noter que des élus alsaciens de tous niveaux (maires, conseillers départementaux et régionaux, députés et sénateurs) se sont constitués également en collectif d'opposants en 2018 (DNA 28 janvier 2018), lequel a pris l'initiative d'un courrier commun au ministre Hulot (mais ne semble pas avoir conservé une grande visibilité en tant que tel par la suite).

Un nombre réellement étonnant d'actions de toutes sortes ont été menées depuis juin 1989 : réunions d'information du public, pétitions, tracts, communiqués de presse et lettres ouvertes, démarches diverses (courriers, rendez-vous) en direction de candidats à des élections, d'élus, de préfets, des ministres de l'écologie, du commissaire européen à l'environnement (13 octobre 2011), de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse, du Parlement européen à Bruxelles (20 février 2013), de la Commission Nationale du Débat Public, de l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs).

Et, bien sûr, des manifestations classiques d'ampleur variables (une quarantaine d'évènements comptabilisés sur le site internet de Destocamine : https://destocamine.fr/tag/actions/) et des actions spectaculaires : Wittelsheim Commune poubelle, blocages de l'accès au site de Stocamine, Bal des empoisonnés, coloration de rivières et fontaines dans plusieurs villes d'Alsace (et même en Allemagne) à la fluorescéine par l'association XR (Extinction Rébellion) (17 septembre 2023).

A cela s'ajoute la participation active des associations et syndicats aux instances de concertation (CLIS - CLIS : Commission Locale d'Information et de Surveillance, puis CSS - CSS : Commission de Suivi de Site, COPIL - Comité de pilotage). Le 8 juin 2016, Destocamine claque la porte du CSS en signe de protestation contre le mépris et la non-prise en compte des avis des opposants (L'Alsace, 9 juin 2016.).

A signaler aussi, le souci de Destocamine de l'enjeu "convergence des luttes" (L'objectif de convergence des luttes n'a pas toujours fait l'unanimité au sein du collectif mais, comme on le voit, des actions ont toutefois été menées dans ce sens.), exprimé par la participation à des actions à Notre Dame des Landes (1er et 16 janvier 2020), à Bure (25 novembre 2012, 16 juin 2018, 28 septembre et 9 octobre 2019), aux manifestations pour le climat et aux "casserolades" du printemps 2023.

Mentionnons enfin les lanceurs d'alerte anonymes qui ont informé les associatifs lors de certaines tentatives de stockage illicites.

Une mise au point sur la lutte juridique contre les autorisations d'enfouissement définitif des déchets (suite à l'arrêté préfectoral du 23 mars 2017) suivra les quelques illustrations ci-dessous (toutes avec autorisation de Destocamine).

10 février 1999. Manifestation d'élus, associations, citoyens à l'arrivée des premiers déchets

10 février 1999. Manifestation d'élus, associations, citoyens à l'arrivée des premiers déchets

7 juillet 2011. Remise d'une pétition (12 500 signatures) au préfet du Haut-Rhin

7 juillet 2011. Remise d'une pétition (12 500 signatures) au préfet du Haut-Rhin

2012. Manifestations pour obtenir le déstockage du mercure2012. Manifestations pour obtenir le déstockage du mercure

2012. Manifestations pour obtenir le déstockage du mercure

Action symbolique. Inauguration du panneau "Commune poubelle"

Action symbolique. Inauguration du panneau "Commune poubelle"

16 juin 2018. Participation à une manifestation à Bure

16 juin 2018. Participation à une manifestation à Bure

23 septembre 2023. Manifestation à Wittelsheim. Représentation de Stocamine par l'association XR (!)

23 septembre 2023. Manifestation à Wittelsheim. Représentation de Stocamine par l'association XR (!)

En marge de la manifestation du 23 septembre 2023 à WittelsheimEn marge de la manifestation du 23 septembre 2023 à Wittelsheim

En marge de la manifestation du 23 septembre 2023 à Wittelsheim

Chronique (simplifiée) de la lutte des associations contre Stocamine, les MDPA et l'Etat sur le plan juridique.

Comme cela a déjà été dit plus haut, l'événement déclencheur de l'activisme juridique récent est l'arrêté préfectoral du 23 mars 2017 autorisant l'enfouissement définitif des déchets (https://destocamine.fr/arrete-prefectoral-autorisant-lenfouissement-definitif/).

- La première réaction est un ensemble de recours gracieux déposés par la CLCV le 19 avril 2017, la commune de Wittelsheim le 22 mai 2017, la M2A (Mulhouse Alsace Agglomération, Communauté de 39 communes autour de Mulhouse) le 1er juin 2017, tous rejetés par le préfet le 13 juillet 2017.

- Le 24 juillet 2017, Alsace Nature et la CLCV déposent un recours en annulation contre l'arrêté préfectoral du 23 mars 2017 devant le tribunal administratif de Strasbourg, rejeté le 5 juin 2019. Les plaignants vont en appel.

- Le 15 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy donne raison aux associations et annule l'arrêté préfectoral du 23 mars 2017.

- Le gouvernement réagit en procédant par la loi et non plus par arrêtés préfectoraux. Il introduit le 12 novembre 2021 un amendement (No II-3508) à la loi de finance 2022 (adoptée en première lecture) qui autorise le confinement définitif et accorde la garantie financière de l'État à hauteur de 160 M€ pour la réalisation des travaux de bétonnage.

- Cet amendement est censuré le 28 décembre 2021 par le Conseil constitutionnel en tant que "cavalier législatif" (Un cavalier législatif est un article qui introduit dans une loi des dispositions sans rapport avec le sujet traité par cette loi, en d'autres termes, un article hors-sujet.), pratique interdite par la constitution.

- Le 15 avril 2022 (vendredi de Pâques !) le (si mal nommé !) ministère de la transition écologique publie un nouveau décret autorisant les travaux de confinement. La Collectivité européenne d’Alsace (CeA) et les associations Alsace Nature et Consommation Logement Cadre de vie (CLCV) déposent un recours (suspensif des travaux) contre ce décret.

- La suspension des travaux est confirmée par le Conseil d'État le 30 septembre 2022.

- Le 12 janvier 2023, Le tribunal administratif de Strasbourg confirme la suspension des travaux de confinement et ordonne une nouvelle enquête publique au sujet du confinement.

- Début juillet 2023, malgré 98% d’avis négatifs, la commission d’enquête donne un avis favorable au confinement sous le prétexte que l'effondrement des galeries rend le déconfinement impossible. Mais l'activisme juridique des associations ne tarit pas.

- Alsace Nature porte plainte le 15 septembre 2023 contre les dirigeants de Stocamine pour faux, escroquerie et atteinte à la sécurité du personnel. L’association considère qu’ils trompent le public en présentant l’extraction des déchets comme impossible, et dénonce l’absence d’entretien de la mine depuis 2017.

- Le 28 septembre 2023, la préfecture du Haut-Rhin publie un arrêté préfectoral autorisant "la prolongation pour une durée illimitée, de l’autorisation à la Société des Mines de Potasses d’Alsace (MDPA) de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux non radioactifs sur le territoire de la commune de Wittelsheim".

- 9 octobre 2023 : Alsace Nature dépose un référé suspension à l’encontre de l’arrêté préfectoral autorisant les travaux de confinement des 42 000 tonnes de déchets toxiques de Stocamine.

- Le 31 octobre 2023, le gouvernement rejoue la carte de l'amendement au projet de loi de finance de 2024 pour autoriser le confinement. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cet amendement sera retoqué par le Conseil constitutionnel le 28 décembre 2023, suite à la saisine par l'ensemble des présidents de groupes de la Nupes à l'Assemblée nationale.

- Le 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg suspend, au nom du droit des générations futures à vivre dans un environnement sain (argument développé par Alsace Nature), l’arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prolongé, pour une durée illimitée, l’autorisation donnée à la société des Mines de Potasse d’Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs. Il enjoint au préfet du Haut-Rhin de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la maintenance du site et de l’ensemble des galeries.

- Vendredi 16 février 2024 : reprenant à son compte les arguments du Gouvernement, le Conseil d'état annule la décision de suspension des travaux de confinement définitif prise par le tribunal administratif de Strasbourg le 7 novembre 2023. Les voies de recours juridiques s'épuisent progressivement. Toutefois, Me François Zind, l’avocat d’Alsace Nature, affirme être « mandaté pour étudier toutes les voies de droit, y compris la saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme, pour empêcher l’irréversibilité et la pollution de la nappe pour les générations futures ».

Fin février 2024, on en est là de ce triste feuilleton.

 
Ouvrons les yeux !

Ouvrons les yeux !

4°) Conclusions :

Stocamine, une affaire où rien ne se passe comme prévu pour les gouvernements, l'État, l'industrie

- Un projet présenté comme vertueux pour l'environnement et l'emploi suscite progressivement une opposition déterminée d'une part croissante de la population.

- La liste des déchets autorisés est bien précisée à l'origine : "déchets industriels, non radioactifs, uniquement solides, inertes et ininflammables" (Citation du Monde diplomatique, "Enfouir, désenfouir, et toujours différer" Véronique Parasote, mai 2022). Alors, on essaie de prendre des libertés avec les règles pour en descendre quelques autres (des déchets), particulièrement nauséabonds. Et on se fait prendre : il faut les remonter ! On s'applique alors à être plus discret, ça marche un temps mais, manque de chance, les produits illicites s'enflamment et dégagent des milliers de mètres cubes de fumées noires toxiques dans l'atmosphère. Encore raté !

Scrongneuneu ! Mais ... "Plus ça rate ... plus ça a d'chance de marcher" (devise Shadok)

Scrongneuneu ! Mais ... "Plus ça rate ... plus ça a d'chance de marcher" (devise Shadok)

- Le stockage initialement provisoire (pour une durée de 30 ans) devient subrepticement irréversible en 2006 : les associations, la presse, les élus locaux dénoncent le scandale.

- Une masse de 320 000 tonnes de déchets encombrants devaient disparaitre sous terre. On est obligé d'interrompre le processus après seulement 44 000 tonnes (et d'en remonter 2000 tonnes après 15 ans). Objectif réalisé à 15% : pas terrible.

- L'intention n'a jamais été de remonter les déchets : "on va mettre un couvercle de béton sur ces cochonneries et ne plus y penser". Des dizaines d'experts "très experts" démontrent qu'il n'y a aucun risque de fuites et que les colis sont impossibles à remonter. Mais, rien n'y fait, les citoyens ne sont pas convaincus et ne désarment pas, enchainent manifestations, pétitions, occupations, plaintes en justice. Vingt ans après l'incendie, le dossier est toujours bloqué.

Stocamine, une affaire qui illustre des logiques fondamentales du fonctionnement actuel de l'économie et de la politique

- Une économie dont le moteur est la maximisation du profit, prioritairement à toute autre considération, est nécessairement conduite à produire en quantité toujours croissante, ce qui génère mécaniquement une grande masse de déchets, certains très toxiques, dont il faut se débarrasser à moindre coût.

Ainsi, selon des estimations officielles citées par Me Zind, avocat d'Alsace Nature, les 42 000 tonnes de déchets actuellement enfouis sous la commune de Wittelsheim contiendraient 26 tonnes de mercure, 1747 tonnes d’arsenic, 33 tonnes de cadmium, 32 tonnes de chrome, 250 tonnes de plomb, 100 tonnes d’antimoine (tous ces éléments, convenablement retraités, pourraient constituer des ressources utiles ; autre argument qui montre l'absurdité de les enterrer irréversiblement.). Au total, il y aurait une cinquantaine de polluants majeurs répertoriés, dont la plupart solubles dans l’eau et la saumure (voir référence ci-dessous).

Pour illustrer le gigantisme de la montagne de déchets industriels produits par notre système productif, ne serait-ce que dans une seule région française telle que l'Alsace, on peut citer l'exemple des 450 000 tonnes de déchets (et dont 5% sont radioactifs) qui seront issus du démantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim (Cf. DNA 3/01/2024). (A comparer aux 320 000 tonnes initialement prévues par Stocamine.).

Pourtaaant ... que la montagne est belle ...

Pourtaaant ... que la montagne est belle ...

- Lorsque les entreprises placent le profit en toute première priorité, loin devant tous leurs autres objectifs, l'ensemble de l'économie et, par suite, l'ensemble de la société dysfonctionnent. Dans la liste sans fin d'illustrations de cette affirmation, on peut relever les exemples particulièrement dramatiques de l'industrie fossile (qui connaissait depuis les années 1970 les conséquences de ses activités), de celle du tabac, de l'amiante, des pesticides, du médicament (voir par exemple le cas de Servier et son Médiator).

Stocamine a poussé cette logique jusqu'à sortir de la légalité en cherchant à enfouir à toute force tout ce qui lui était proposé, au risque de l'accident industriel, finalement advenu en septembre 2002. Cette gestion opaque et frauduleuse de son activité de stockage fait que l'expression "entreprise-voyou" s'est progressivement imposée pour qualifier Stocamine. Une autre conséquence est que l'incertitude règne sur la nature et les quantités de produits enfouis. Certains témoins affirment avoir vu descendre des colis estampillés "Armée française" qui correspondraient aux restes du démantèlement d'ogives balistiques Pluton, Hadès et S3D  (Marcos Buser, expert suisse des stockages souterrains. 18. mai 2022. https://www.nuclearwaste.info/stocamine-aurait-on-entrepose-des-dechets-du-demantelement-de-missiles/). Cela expliquerait en partie l'obstination des gouvernants français à tout confiner définitivement.

- Une caractéristique fondamentale des gouvernements français de ces cinquante dernières années (au moins) est d'être "business friendly" (Favorable au monde des affaires. L'usage des anglicismes est contestable mais il faut reconnaitre à de nombreuses formules de ce type leur percutante concision.), à un point aujourd'hui exacerbé sous la présidence Macron. L'entreprise privée jouit d'un prestige, d'une hyper valorisation symbolique et, d'un soutien financier inégalés. Ceci est d'autant plus marqué que l'entreprise est plus grande.

Stocamine, bien que d'importance moyenne, a bénéficié d'un soutien sans faille de la part de l'État français. Malgré tous ses manquements l'entreprise a joui d'une étonnante indulgence et l'État met toute son énergie au service de l'objectif ultime de Stocamine, à savoir le confinement définitif. On peut voir à cela plusieurs raisons :

i) La première, déjà évoquée plus haut, est qu'en haut lieu nul ne souhaite peut-être voir étalé au grand jour l'ensemble des déchets descendus, de natures éventuellement fort différentes de celles mentionnées dans l'arrêté initial d'autorisation d'enfouissement.

ii) Il y a ensuite l'aspect financier. Comme cela a été mentionné, le déstockage complet serait environ quatre fois plus coûteux que le confinement (400 M€ contre 90). iii) Enfin, chacun est bien conscient qu'un échec du stockage à Stocamine contribuerait à délégitimer le projet CIGEO à Bure (CIGEO : Centre industriel de stockage géologique. Sous-entendu : stockage de déchets radioactifs.).

Pas de deux ...

Pas de deux ...

Stocamine, une lutte exemplaire, avec aussi ses faiblesses

Initiée par une poignée d'individus charismatiques et déterminés, la lutte contre Stocamine force respect et admiration par sa durée, son ampleur, son caractère strictement non-violent. Elle a contribué à la prise de conscience de l'intérêt de la lutte collective, à l'engagement, à la formation militante d'une foule de personnes, sur plus de trois décennies. On peut penser qu'elle a fait progresser chez beaucoup, à travers l'exemple de ce problème particulier, la connaissance des caractéristiques du capitalisme et la compréhension de la nécessité de changer de modèle économique et politique.

Les associations et syndicats impliqués se sont constitués en collectif (Destocamine, déjà largement cité) en décembre 2010, soit environ vingt ans après le début de l'action (la pratique de créer un collectif est aujourd'hui plus répandue). L'intérêt de cette démarche est bien sûr de rassembler et coordonner des forces. A noter que partis et mouvements politiques ne sont pas invités à s'y associer en tant que tels. Cela résulte d'une image dégradée du monde politique dans la société, largement due aux pratiques des principaux dirigeants, trop souvent caractérisées par des promesses trahies, l'étalage d'ambitions strictement personnelles et des formes de corruption (trafic d'influence et allers-retours entre les secteurs publics et privés). La division du camp progressiste (la gauche écologiste) est également un frein à l'intégration du mouvement politique dans les collectifs regroupant associations et syndicats, comme l'a clairement déclaré récemment un dirigeant associatif de niveau régional ("Nous ne voulons pas importer dans le mouvement associatif les divisions du mouvement politique." - Maurice Wintz, ancien président d'Alsace Nature. Communication personnelle). Néanmoins, cette défiance, aussi justifiée soit-elle, est aussi source de faiblesse. Une forme de politisation du mouvement associatif serait souhaitable pour augmenter le niveau politique des militants, ce qui les rendraient mieux outillés pour la bataille culturelle, en ferait des électeurs plus éclairés et, bien sûr, faciliterait la convergence des luttes.

Le fonctionnement en collectif a aussi ses inconvénients. Il est évidemment plus difficile de se mettre d'accord, de se coordonner à quinze (Destocamine comporte quinze membres) que dans une institution unique. Se pose la question de définir qui est légitime à s'exprimer au nom du collectif, en raison aussi du fait que le collectif n'a pas de personnalité juridique. C'est pour pallier à cet inconvénient qu'a été créée en décembre 2020 l'association "Eau en danger" (https://destocamine.fr/creation-de-lassociation-eau-en-danger-membre-du-collectif-destocamine/). Il n'apparaît pas clairement que cette initiative ait réellement facilité le fonctionnement du collectif. D'autre part, le monde associatif n'est pas préservé des phénomènes de domination, de sectarisme et "d'esprit de boutique", lesquels peuvent être amplifiés par la structuration en collectif. Cela s'est malheureusement manifesté au sein de Destocamine pour conduire notamment à un dédoublement dommageable au niveau de l'action juridique. Les humains ont leurs défauts, les militants doivent en prendre leur parti en tentant de les circonscrire et de ne pas les dramatiser.

Les luttes environnementales (de même que sociales et politiques) s'opposent à une classe dirigeante radicalisée dont les intérêts sont servis de manière de plus en plus exclusive et voyante par les gouvernements successifs. Le camp progressiste, devant la difficulté croissante de ses luttes (et qui se soldent souvent par des échecs), a le premier devoir de ne pas céder au découragement, soutenu en cela par des mouvements de jeunesse radicaux, enthousiastes, dynamiques et joyeux (Alternatiba, XR, jeunes des partis de la gauche écologiste, ...) aptes à susciter l'espoir.

Remerciements

L'auteur remercie vivement le collectif Destocamine pour son autorisation d'utiliser des illustrations issues de son site et pour la source d'informations d'une formidable richesse collectée, archivée et mise à disposition publique sur son site. Un grand merci à mesdames Monique Fremiot (CLCV 68), Michelle Schortanner (Alsace Nature) et monsieur Roland Braun (Association Eau en Danger), pour leur relecture critique (Les appartenances associatives de ces personnes sont précisées à titre indicatif. Leur relecture et leur citation dans ces remerciements ne valent nullement validation du texte par leurs associations respectives.).

 
Suivez mon regard !

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