De l’adhésion à l’engagement : derrière les masques guette Machiavel !

Publié le par J.C. VAL

(Episode 2)
Ce vieux hibou !

Ce vieux hibou !

Manipulation à l’italienne sur plateforme américaine : un mariage retors.

Le populisme traditionnel, version « comique » et un tantinet vulgaire et provocateur a donc épousé l’algorithme d’un visionnaire issu de l’innovation électronique et informatique. Cadre durant une trentaine d’années au sein de l’entreprise Olivetti (firme dominante et novatrice dans le secteur en Italie), puis expert en marketing digital quand il fonde au début des années 2000 sa propre société, (Casaleggio Associati), le mégalomane de l’organisation et du marketing rencontre un alter ego surdimensionné. Le second verse dans le spectacle et compte sur son charisme télévisuel pour pousser les italiens … à s’engager. Un « engagement » qui se résume toutefois à leur bulletin et leur « pouce levé », éventuellement en exposant sur la plateforme leurs thématiques prioritaires en des termes qui leur sont propres. Mais que seuls les gestionnaires de l’algorithme pourront collecter, associer et renvoyer ensuite en guise de message politique, qui devrait ainsi provoquer l’engagement de tous et de chacun. On est bien loin des principes de partage horizontal qui définissent les plateformes « open source », on est aux antipodes de la prétendue « démocratie numérique ».

Dans cette configuration du parti-algorithme conçu par Casaleggio-père apparaît une pièce importante, l’opinion maker qui n’est autre qu’un expert en relations publiques. Celui-ci doit tout d’abord saisir ce que le public veut, à travers des enquêtes, des observations, la collecte et l’analyse de données, etc… qui peuvent justement provenir des différents « amis » ou membres de « groupes » ayant adopté la plateforme des Meetup. Sur cette base, il peut ensuite organiser les objectifs des « clients » au lieu de formuler des idées en faisant aveuglément confiance aux capacités du testimonial. Dans le langage du marketing (auquel Casaleggio emprunte sans complexe) le testimonial est un homme ou une femme célèbre qui fait de la publicité pour un produit, qui en est l’homme-image. Il en est la tête d’affiche et le public l’associe au produit. En français, on peut le qualifier de « porteur » d’un produit. En politique, ce serait donc « l’homme politique » quasi providentiel, aujourd’hui forcément « homme-cathodique ».

Capitalisme ... de haut vol !

Capitalisme ... de haut vol !

Adieu à l’adhésion, vive l’engagement !

En favorisant l’engagement de tout un chacun (via Meetup) et en satisfaisant la demande des consommateurs politiques de façon rapide et efficace la figure du testimonial devient inutile, plus particulièrement lorsque cette « demande » est en perpétuel mouvement accéléré. Les représentants des citoyens disparaissent alors derrière les citoyens eux-mêmes, qui partagent l’illusion de prendre toutes les décisions à travers un processus de consultations en ligne permanent et étendu à tous les domaines de la vie sociale. Dès lors point n’est besoin que les individus adhèrent à un parti, l’adhésion étant pensée comme une approbation réfléchie. L’engagement, comme fait de se lier par une promesse à une action conjoncturelle suffit. Une promesse en laquelle chacun se reconnaîtra d’autant plus aisément que … les objectifs sont fixés par collation des sujets et des thématiques « qui marchent » (ah bon ?) et font ainsi fatalement … consensus ! Un consensus mouvant et changeant que les formes partis, trop rigides, ne peuvent appréhender.

S’est ainsi construit sous nos yeux l’expérimentation de la « webpolitique » en Europe, qui entend conquérir le « marché politique » italien pour rejoindre le projet planétaire d’autres apprentis-maîtres du monde, dont Steve Bannon. L’homme-orchestre du populisme nord-américain rêve en effet de fonder une internationale populiste. A cette fin il fréquente assidument la ville éternelle depuis 2016, voyant en l’Italie sa première opportunité d’œuvrer à l’émergence d’un populisme global en suscitant l’alliance d’un centre populiste aux contours indéfinissables et d’une droite nationaliste … radicale !

Or bien en amont, et en quelques semaines seulement, la créature de Casaleggio à visage Grillo était devenue dès 2005 le blog italien le plus visité : ce fut la consécration de l’ambition du premier, qui affirmait que la politique ne l’intéressait pas ajoutant : « ce qui m’intéresse c’est l’opinion publique ». Cette opinion publique que Pierre Bourdieu déclarait pourtant, dès 1972, ne pas exister (L’opinion publique n’existe pas, exposé fait à Noroit (Arras) en janvier 1972 et paru dans Les temps modernes, N° 318, janvier 1973). Une « opinion partagée » dont Loïc Blondiaux avait parfaitement démonté les mécanismes de construction dans son ouvrage : La fabrique de l’opinion, une histoire sociale des sondages (Le Seuil, 1998). En lui adjoignant les supports télématiques récents sous la forme d’un blog, donc en rapatriant la source des sondages au plus près de son support numérique d’exploitation dont il use pour la fabrication des « slogans », Casaleggio entendait bien en maîtriser la construction, à son profit intellectuel et personnel, voire à son avantage économique !

Cette « créature » accouchera peu après d’une machinerie politique redoutable, un « parti-algorithme », Cinque Stelle. C’est bien Casaleggio qui en fut le véritable gourou numérique (mais également idéologique) alors que Grillo se déclarait jusqu’alors farouchement opposé à l’univers artificiel du net. Pourtant, aux yeux du public l’auteur unique reste Grillo, Casaleggio n’étant perçu que comme son simple fournisseur technologique. Brillant subterfuge … qui devrait nous inciter à la prudence si l’on venait à opter pour le même type de supports ! Le maître des horloges peut vite prendre le dessus si l’idéologue lui délègue l’agenda … et le vocabulaire ! Rappelons à ce propos l’avertissement de Victor Klemperer :

« Mais la langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d’autant plus naturellement que je m’en remets inconsciemment à elle. Et qu’arrive-t-il si cette langue cultivée est constituée d’éléments toxiques […] ? Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’Arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. » (Victor Klemperer, LTI. La langue du IIIème Reich, 1947, Albin Michel, 1996, p.40. Citation empruntée à l’ouvrage de Barbara Stiegler : De la démocratie en pandémie, Tracts Gallimard, N° 23, janvier 2021, p.36).

Inapte

Inapte

Le mouvement, un parti sous couverture numérique ?

Le parti politique ne se contente pas de former des militants voire des cadres : il remplit la fonction essentielle de construire le programme qui soudera l’ensemble des adhérents. Une construction qui se fait au vu et au su de tous, selon des règles démocratiques (elles le sont plus ou moins) … qui elles-mêmes sont enjeu de pouvoir au sein de l’institution « parti ».

Car il n’y a pas de fait, de force ou de « groupement » politique sans rapport au pouvoir : « nous entendrons par politique l’ensemble des efforts que l’on fait en vue de participer au pouvoir ou d’influencer la répartition du pouvoir, soit entre les États, soit entre les divers groupes à l’intérieur d’un même État. » […] Tout homme qui fait de la politique aspire au pouvoir – soit parce qu’il le considère comme un moyen en vue d’autres fins, idéales ou égoïstes, soit qu’il le désire ʺpour lui-mêmeʺ en vue de jouir du sentiment de prestige qu’il confère » (Max Weber, Le savant et le politique - Politik als Beruf, pp. 123 et suivante de l’édition française de poche, collection 10/18, 1997. Il s’agit de la 2ème conférence prononcée en 1919 devant les étudiants de Munich, quelques mois avant sa mort des suites … de la grippe dite « espagnole » qui, en deux années, faucha entre 40 et 50 millions de personnes).

Mais l’adhésion au parti sous-entend à la fois permanence et conscience, si ce n’est participation à la co-construction par le biais des formations et des réflexions en assemblée, jusqu’aux assemblées générales et autres congrès. Le parti est donc une construction, une institution pérenne, du moins tant que les adhérents lui accordent confiance, se reconnaissent en lui et lui accordent donc légitimité à les représenter. Max Weber relève que l’État (et il en va de même du parti) « ne peut donc exister qu’à la condition que les hommes dominés se soumettent à l’autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs », ce qui l’amenait à distinguer trois formes de légitimité, ou trois fondements à cette domination (voir notamment Economie et société/ 1. Les catégories de la sociologie, Ed. Plon, Agora Pocket N°171, 1995, page 72)

  • "en vertu de la tradition, validité de ce qui a toujours été ; tel est le « pouvoir traditionnel » que le patriarche ou le seigneur terrien exerçait autrefois ;
  • en vertu d’une croyance d’ordre affectif (tout particulièrement émotionnelle) : validité de la nouvelle révélation ou de l’exemplarité ; c’est l’autorité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d’un individu (charisme)
  • en vertu d’une croyance rationnelle en valeur ; ou en vertu d’une disposition positive, à la légalité de laquelle on croit," [...] notamment en fonction d’une "compétence positive fondée sur des règles établies rationnellement".

Cette dernière forme de légitimité est résumée dans l’expression « légitimité légale-rationnelle C’est celle qui caractérise en temps « normal » les formes d’autorité (et donc de légitimité) dans notre société et au sein de toutes ses institutions. Le type d’autorité propre aux périodes fascistes (ou aux régimes autoritaires liés à une personne particulière, quelle que soit son appellation, du « petit père des peuple » au « grand timonier » en passant par le « caudillo ») est plutôt d’ordre « charismatique », quand bien même cette forme d’autorité est fragile et ne peut se « routiniser », le « chef » devant périodiquement se renouveler en faisant la preuve de son charisme.

Dans les sociétés libérales (au sens politique du terme, et le régime politique de la République en une), l’adhésion à un parti relève donc davantage de cette forme « légale-rationnelle » de reconnaissance de l’autorité. Les partis ne représentent donc les adhérents qui s’y sont impliqués que … tant que ceux-ci lui accordent « une croyance rationnelle en valeur » (Max Weber).

Corned Bôôôfff !

Corned Bôôôfff !

Le mouvement est une forme bien plus floue et difficile à cerner, quasiment « dématérialisée ». D’autant plus gazeuse que son support et ses seules « adresses » sont … une plateforme numérique ! A qui s’adresse-ton pour revendiquer davantage de transparence ? Qui est « responsable » de telle ou telle revendication et comment peut-on l’approcher, en chair et en os ? A-t-on la certitude que la personne à qui l’on veut s’adresser est bien celle qui pourrait répondre ? Dans quel désert algorithmique les récriminations se perdent-elles ? Comment exiger des terminaisons télématiques qu’elles assument leurs responsabilités nerveuses ? Autant de questions sans réponses que la multiplication des « évènements » ne saurait masquer. Le phénomène mouvement est pourtant bien un « fait social (politique) total » (Marcel Mauss).

Dans son édition du 31 juillet 2017, la revue en ligne « Slate » publiait un article au titre évocateur : « Pourquoi tout le monde crée des mouvements et plus personne ne crée de partis ? ». L’auteur (Galaad Wilgos) y relevait toutefois l’impérieuse nécessité d’être prudent : « Derrière cette rupture lexicale, une tendance sociétale de fond ... et des changements organisationnels à relativiser. » Le mouvement ne serait-il que le ripolinage des anciennes formes-parti tombées en disgrâce (ou désuétude temporaire) suite à la désertion des citoyens, l’abstentionnisme croissant en étant le révélateur hélas le plus probant ? L’auteur notait l’universalité du phénomène en s’appuyant sur quelques exemples :

« En Italie, c’est le Mouvement 5-Étoiles lancé par Beppe Grillo ; en Espagne, c’est Podemos qui se voulait une sorte de  ʺmouvement-partiʺ découlant du mouvement social du 15-M (mieux connu sous le nom des Indignés) ; en Belgique, le Mouvement de gauche a fusionné avec la coopérative VEGA pour donner ʺle mouvement demainʺ (oui, avant celui d'Anne Hidalgo et Martine Aubry!). Quant à la France, nous ne sommes pas en reste : en avril 2016, ʺEn Marche!ʺ était lancé en se voulant un mouvement (officiellement, il n'était alors pas encore question de candidature aux élections), tandis que Jean-Luc Mélenchon lançait le mouvement de la France insoumise. Et ce quelques années après avoir fondé le Mouvement pour la VIe République, ʺune première expérience pour essayer des choses, concentrée sur la VIe Républiqueʺ et qui fut un ʺbeau laboratoireʺ selon Sophie Rauszer, porte-parole sur les questions européennes de la France insoumise. » (fin de citation)

Il apparaît bien que le mouvement ne soit qu’une association conjoncturelle d’individus appelés à s’engager sur une action ou un objectif, sa durée fut elle quelque peu prolongée dans le temps : le temps de passer à la 6ème république, par exemple … après la convocation d’une Assemblée constituante ? Pour ouvrir cet « engagement » sur un univers d’individus qui ne se reconnaissent plus dans les structures politiques dévalorisées et qui s’en défient, quoi de plus efficace que ces plateformes numériques, ces algorithmes « techniques » que l’on va habiller d’un slogan évocateur et attrayant, en mettant en avant plutôt le « pour » que le « contre » : « Nous pouvons » (Podemos) n’est-il pas la transcription ibérique mais littérale du « Oui nous pouvons ! » de Barak Obama ? En outre, sur le plan phonétique Podemos est le prolongement parfait des Indignados du mouvement des indignés (15M) chers à Stéphane Hessel (Indignez-vous!).

De là à considérer que … « Nous sommes Pour », il n’y a … qu’un vœu, que nul (chez nous) ne saurait rejeter !

En attente ...

En attente ...

Si proche, si loin : Howard Dean, ou la première campagne nord-américaine organisée par le web.

Mais revenons au génie organisationnel de Casaleggio. En tant qu’expert en marketing digital il avait parfaitement compris qu’Internet allait révolutionner les modalités de l’intervention en politique, ainsi que les types de messages à y faire passer. En faisant accroire au passage qu’il s’agissait de rendre la maîtrise démocratique à ceux qui, en Italie comme dans tout « le vieux monde », en étaient spoliés depuis des décennies par les professionnels de la politique ; cette caste d’autistes doublés de corrompus … que l’on allait enfin mettre à nu. Bas les masques ! … nous enjoignait-il.

C’est que internet avait la réputation de permettre l’organisation de la transparence parfaite : tout à l’horizontale ! On allait ainsi faire revenir le pouvoir « vers le bas » et faciliter la circulation horizontale de l’information entre alter ego, alors qu’elle était jusque-là verticalement confisquée. Pour ce faire Casaleggio s’appuya sur la plateforme des « Meetup » et encouragea les disciples de Grillo à l’adopter.

Meetup.com (au même titre que l’autre plateforme, « MoveOn » : moveon.org) est un software nord-américain qui permettait d’organiser facilement des discussions et des rencontres, aussi bien en ligne que dans le monde réel. Plateforme de réseautage social créée en 2002 aux Etats-Unis d’Amérique par Scott Heiferman, Matt Meeker et Peter Kamali, elle permettait à ses membres de rencontrer des groupes unis par un intérêt commun, de type engagement politique, sport, culture, technologie, loisirs, langues et une trentaine d'autres sujets ; mais également par zones géographiques. Les organisateurs des groupes proposaient alors des événements variés durant lesquels se déroulaient les échanges entre les membres, qui s'effectuaient en personne. L’inscription sur le site et les applications mobiles est gratuite et sans publicité, mais Meetup se rémunère via une cotisation mensuelle demandée aux organisateurs. Les événements eux sont gratuits ou payants, selon le souhait des organisateurs. En novembre 2014 La société Meetup revendiquait déjà 19,6 millions de membres au total (actifs ou inactifs), répartis en 179 800 groupes présents dans 177 pays, pour 502 898 rencontres mensuelles.

On mesure tout l’intérêt de ce type de plateforme pour l’entreprise politique conçue par Casaleggio, qui se sert alors de Grillo comme porte-voix et visage iconoclaste … attrayant ! Si ces réseaux affichent des valeurs ils n’ont pas d’idéologie à proprement parler. Les membres de MoveOn, par exemple, partagent une attitude pacifiste et progressiste, et choisissent le candidat à soutenir par des élections primaires virtuelles : Howard Dean en 2004, Barack Obama en 2008 et enfin Bernie Sanders en 2016 (Voir Federico Rampini, « Usa, la sfida di MoveOn, con Internet all’assalto di Bush », La Repubblica, 18 janvier 2004. Voir également Cristopher Cepernich, 2018, Le campagne elettorali al tempo della networked politics, Rome et Bari, Laterza). Dès 1998 et pour sa première entreprise publique, Moveon a été le support de la protestation contre la destitution de Clinton à travers « des millions d’e-mails envoyés au Congrès des États-Unis ». C’est dire la capacité de mobilisation conjoncturelle du media.

Casaleggio avait suivi avec grande attention la campagne d’Howard Dean aux Etats-Unis d’Amérique. Gouverneur de l’état du Vermont (l’état dont Bernie Sanders est l’un des 2 sénateurs depuis … 2007 !), Howard Dean est surtout connu pour sa candidature aux primaires démocrates de 2004 qu’il aborde alors d’une manière originale. S’étant laissé convaincre par son directeur de campagne, Joe Trippi, d’utiliser les nouvelles technologies de la communication (NTIC) via le web, il fit un départ en campagne fulgurant touchant des populations qui n’étaient plus guère intéressées par la chose (jeunes, minorités, etc.). Trippi lui avait assuré que ces nouveaux moyens de communication offraient un potentiel bien plus large pour faire campagne, plus encore pour mobiliser des fonds : le nerf de la guerre, en politique aux Etats-Unis d’Amérique.

Consultant en nouvelles technologies », Joe Trippi avait publié en 2008 un ouvrage au titre explicite : The Revolution Will Not Be Televised : Democracy, the Internet, and the Overthrow of Everything). Pour la première fois, la télévision, incontournable aux Etats-Unis d’Amérique, n’était pas conçue par un directeur de campagne comme le vecteur essentiel d’une aventure politique longue et onéreuse, ce qui en soi est déjà une … « révolution » !

De cette campagne de 2004 d’Howard Dean il ressort pourtant deux faits marquants : favori de cette primaire démocrate dans un premier temps, il fut dépassé (et même in fine écrasé !) dès les premiers débats (toujours télévisés, eux !), notamment par le futur candidat démocrate opposé à George Walter Bush, John Kerry. Election présidentielle dont on connait en revanche l’issue : c’est le président sortant, George W. Bush, qui l’emportera. Nous retiendrons toutefois que le 46ème président des Etats-Unis d’Amérique, Joe Biden, vient de nommer John Kerry « envoyé spécial dédié à la lutte contre le réchauffement climatique » !

Tempête dans un verre d'eau ?

Tempête dans un verre d'eau ?

Sur les traces de Howard Dean : Bernie Sanders en plus radical, écologiste et social !

L’autre fait surprenant concernant Howard Dean fut son positionnement programmatique : perçu comme un centriste pragmatique durant son mandat de gouverneur, il avait surpris en faisant campagne à l'aile gauche du parti démocrate.

On peut dès lors se demander si Howard Dean n’a pas ouvert la voie à Bernie Sanders. Ce dernier se déclarait candidat « indépendant » au début de son aventure présidentielle, mais s’est vite rattaché au Parti démocrate en participant au cycle des primaires de 2015/16. Il fut toutefois le premier sénateur nord-américain à se déclarer socialiste, puis « démocrate socialiste » : dans ce cycle électoral éprouvant et onéreux, la possibilité de dépasser de quelques semaines dans la course passe par l’investiture de l’un des 2 grands partis.

Mais en matière de matériel de campagne innovant Bernie Sanders a lui aussi compris l’importance des plateformes et du « net » : il comptait toucher ainsi les jeunes, d’une manière générale toutes les personnes qui ne se reconnaissaient plus dans cet univers sclérosé et fossilisé de la scène politique américaine. Un moderniste donc, malgré son âge que l’on présentait comme un handicap, alors qu’il n’accuse qu’un an de plus que Biden et cinq de plus que Trump. Enfin, dernier fait marquant le concernant , il lance en 2016 un mouvement appelé Our Revolution (voir : https://ourrevolution.com): une organisation que l’on pourrait qualifier « de masse » et qui vise à impliquer les couches populaires démotivées, plus particulièrement les jeunes, dans le processus électoral. Et il le fait bien entendu via internet.

Our Revolution !

Dès 2018 Our Revolution va soutenir des candidat.e.s aux élections à la chambre des représentants (élections encore dites de « mid-term ») dont une dizaine seront élu.e.s et que l’on peut positionner très « à gauche ». En particulier, la jeune Alexandria Ocasio Cortès (« AOC » connue … par ses initiales, 29 ans à sa première élection, native du Bronx et portoricaine par sa mère), se déclarant avec un de ses collègues ouvertement affilés au parti des « Socialistes démocrates d’Amérique » (Democratic Socialists of America - DSA) … dont se réclame également Bernie Sanders.

En matière programmatique les thématiques progressistes mises en avant par Our Revolution sont quasiment identiques à celles promues par Bernie Sanders en 2016 durant sa campagne à la primaire démocrate : réduction des inégalités de revenus et de richesse, réduction du prix des médicaments sur ordonnance, instauration d'un salaire minimum de 15 $ (acté par le nouveau président des Etats-Unis d’Amérique, Joe Biden, soit un doublement par rapport aux 7,25£ d’aujourd’hui et plus élevé que notre SMIC !), expansion de la Sécurité Sociale, création d'emplois, gratuité des frais d'inscription à l'université … De quoi attirer et accélérer l’engagement de la jeunesse.

Le résultat ne s’est pas fait attendre : de 6000 en 2015, l’organisation de « gauche radicale » est passée à 30.000 adhérents déclarés en 2017, les DSA en revendiquant plus de 70.000 dès août 2020. Entre-temps l’organisation s’est désaffiliée de l’internationale socialiste à l’occasion de son congrès d’août 2017, s’opposant à son soutien aux politiques néolibérales.

Pourtant, malgré la vigueur de la campagne des primaires menée par Bernie Sanders, la pugnacité des jeunes élu.e.s à la chambre des représentants (dont AOC) et la mobilisation de Our Revolution, l’establishment a fini par l’emporter malgré le départ  victorieux de Bernie Sanders. Et c’est bien Biden qui fut désigné pour tenter de battre Trump : les jeunes électeurs ne se sont pas suffisamment mobilisés pour contrer victorieusement le pouvoir de l’appareil. C’est dire que les « plateformes » sont un instrument de mobilisation utile, mais non suffisant : la forme « parti » reste prépondérante pour pérenniser les mobilisation … apparemment spontanées.

Appareil ... le plus simple.

Appareil ... le plus simple.

Rendre « le pouvoir au Peuple » ? Chiche !

Si tel est notre objectif, en Italie regardons plutôt du côté d’un tout petit parti qui a bien du mal à émerger entre les mastodontes de la politique, 5 étoiles y compris.

Potere al popolo (Le pouvoir au Peuple, en abrégé PaP) est une alliance électorale née le 17 décembre 2017, qui réunit de nombreux partis politiques, associations et centres sociaux italiens tous de gauche antilibérale, en vue des élections régionales de 2018 (rappel : l’Italie est sous de nombreux aspects un système politique fédéral : les régions y exercent de nombreuses prérogatives). L'objectif de la coalition est « de créer une véritable démocratie, à travers des pratiques quotidiennes, l’autogouvernance des expériences, la socialisation de la connaissance et de la participation populaire ». Un programme résolument de gauche, mettant l’accent sur la reconquête des droits des travailleurs dont la réduction immédiate du temps de travail hebdomadaire à 32 heures sans perte de salaire, insistant sur la nécessité d'une politique de redistribution qui remettrait en cause les exonérations fiscales réalisées sous les gouvernements précédents, pour en tirer les fonds nécessaires à un fort réinvestissement dans les services publics. Une orientation programmatique qui entend également rompre avec les traités européens qui contraignent les états à mener des politiques austéritaires. Une coalition qui s’affirme nettement antifasciste et antiraciste en revendiquant le principe d’une citoyenneté universelle et l’assouplissement des règles d'accueil des migrants, pour instaurer en Italie le droit du sol.

PaP refuse toute alliance avec le principal conglomérat électoral (dit de « centre-gauche ») qui sur le plan programmatique s’autopositionne à gauche du Parti des Démocrates (PD). PaP refuse cette coalition au motif que les figures de proue de cet ensemble politique ne se sont jamais opposées à la politique du gouvernement Renzi qui a mené des politiques antisociales et, finalement, conformes aux directives des technocrates de l’UE, donc austéritaires. En refusant eux aussi « la soupe des logos », ils se positionnent donc de manière très claire pour nous, Parti de Gauche. Tout comme Jean-Luc Mélenchon vient encore de le déclarer : « la tambouille, la ratatouille, la magouille : Non ! » (L’interview sans filtre, 25 janvier 2021 : https://linsoumission.fr/2021/01/25/linterview-sans-filtre-isf7-jean-luc-melenchon).

Le pouvoir au peuple déclare s'inspirer notamment de Momentum, l'organisation qui soutint Jeremy Corbyn au Royaume-Uni, des réseaux de mutualisme en Grèce, de la Candidatura d’unitat popular (CUP) en Catalogne et de La France Insoumise en France. Ainsi pourrait se construire, selon Jean-Luc Mélenchon, « une aventure commune pour la construction d'une alternative populaire en Europe ».

Migrations : les trous de Frontex

Migrations : les trous de Frontex

Italie : une mise au point de dernière minute.

En ces premiers jours de février, le Président de la République italienne Sergio Mattarella a dû se résoudre au constat que Giuseppe Conte est impuissant à former un 3ème gouvernement. Dès mercredi il a donc confié cette mission à Mario Draghi, dans la configuration d’un « gouvernement technique provisoire ». On assiste ainsi au retour des technocrates au pouvoir, contre les intérêts du Peuple.

« Super Mario » (sic) fut en effet Président de la Banque Centrale Européenne, succédant en juin 2011 à Jean-Claude Trichet, suivi à partir de 2019 de Christine Lagarde … celle-la même qui venait du FMI ! Durant son mandat à la tête de la BCE Mario Draghi fut considéré comme « le sauveur de la zone Euro ». C'est oublier que, avant cela, il fut aussi … Vice-président pour l'Europe de la banque Goldman Sachs (2002 à 2005) puis … gouverneur de la Banque d’Italie. Ah les délices … du pantouflage, dans les deux sens de préférence !

Nous voici donc provisoirement rassurés : les intérêts du grand capital sont sauvés. La bourse de Milan ne s’y est d’ailleurs pas trompée : elle a immédiatement enregistré une hausse !

C’était toutefois sans compter sur la capacité diabolique de réaction de Matteo Salvini. Dans cette nouvelle configuration scénique, le chef de La Ligue sort un nouveau masque et ... se verrait bien en leader charismatique de l’intérieur! Dès le samedi 6 février il s’invitait ainsi au bal en tendant la main à « Super Mario » préférant, dit-il, « être à l’intérieur et contrôler ». Tout en soulignant qu’il n’avait pas ... l’intention de faire de l’obstruction !

Dès ce lundi 08 février « Super Mario » doit donc rencontrer toutes les forces sociales, puis l’ensemble des partis politiques. Voilà tout ce petit monde placé dans un bel embarras suite à l’offre de service du Machiavel milanais souverainiste … arborant fièrement sa maxime : les italiens d’abord !

De l’adhésion à l’engagement : derrière les masques guette Machiavel !

N.B. : Pour la rédaction de cet article en deux épisodes, nous nous sommes appuyés sur de multiples publications mais plus particulièrement sur un livre de Giuliano da Empoli ; Les ingénieurs du chaos, Ed. JC Lattès, février 2020. Ainsi que sur deux articles disponibles en ligne :

- Web communication entre politique et marché : le cas du Mouvement 5 étoiles, Francesca Veltri, 2018 (https://journals.openedition.org/socio/3655)

- Quand la politique tire la langue. Le Vaffa Day du M5S (Movimento 5 Stelle), Laura Santone, 2014 (https://journals.openedition.org/mots/21810)

Nouveau monde, couleurs du temps ... futur ?

Nouveau monde, couleurs du temps ... futur ?

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