Le RACING : une foot politique !

Publié le par Guy Desportes

Un stade plein à craquer

Un stade plein à craquer

Le 5 janvier 2021, le projet de restructuration et de rénovation du stade de la Meinau a été présenté lors d'une conférence de presse et le nom du cabinet d'architectes anglais a été révélé. A entendre Pia Imbs, Présidente de l'Eurométropole de Strasbourg (EMS), cette rénovation d'un montant estimé à 100 millions d'euros est parée de toutes les vertus et elle n'hésite pas à cette occasion de faire preuve de grandiloquence. Ainsi, elle juge ce projet « nécessaire et urgent », indispensable pour le football comme « vecteur de citoyenneté et de mixité sociale ».

Les retournements de veste de EELV.
Dissidence

Dissidence

En revanche Jeanne Barseghian, Maire de Strasbourg, semble assurer le service minimum en se contentant d'affirmer que cette réalisation est conforme aux exigences « de sobriété et de qualité environnementale ». Il est vrai qu'elle s'était abstenue, avec ses collègues d'Europe Ecologiste Les Verts (EELV), lors d'un conseil municipal le 25 juin 2018 concernant la participation financière de la ville de Strasbourg au projet de rénovation du stade de la Meinau. Elle s'était également abstenue lors d'un conseil de l'EMS du 3 mai 2019 concernant l'engagement d'une concertation préalable avec le public dans le cadre de ce projet.

A la même époque, le 7 juin 2019, Syamak Agha Babaei, actuel 1er adjoint à la maire à la ville de Strasbourg et 3ème Vice-président en charge du Budget et finances et Alain Jund, aujourd'hui 6ème Vice-président en charge des Mobilités, transports, déplacements et politique cyclable, publiaient dans les Dernières nouvelles d'Alsace une tribune au vitriol intitulée « Racing et argent public : un pognon de dingue ! ». Et de terminer leur texte, écrit d'ailleurs dans un attelage inédit avec Yves Bur ancien maire de Lingolsheim et vice -président de l'EMS, connu pour ses convictions néo-libérales, par cette belle déclaration : « Aujourd’hui, nos collectivités se doivent d’investir prioritairement dans le bien commun et le défi climatique…Laissons le secteur privé subvenir aux activités commerciales du spectacle sportif ! ». Difficile d'être plus catégorique que cela !!!

Et puis, lors du conseil de l'EMS du 25 septembre 2020, tous les membres du groupe politique « Strasbourg écologiste et citoyenne » ont voté pour la délibération désignant les membres du jury de concours dans le cadre du marché d'œuvre relatif au projet de restructuration et d'extension du stade de la Meinau. Un tel revirement laisse pantois et ne peut susciter qu'incompréhension et stupeur. Les propos de Jeanne Barseghian visant à justifier cet engagement financier de l'EMS à hauteur de 50 millions d'euros et de la ville de Strasbourg pour un montant de 12,5 millions d’euros laissent songeur : "Les élections sont passées par là, mais nous avons affiché la volonté de nous inscrire dans la continuité républicaine, et ce avant même d’être aux affaires". Invoquer la continuité républicaine dans le cas présent relève de la mauvaise foi la plus évidente : Madame la Maire démontre pour le moins un manque de courage politique et, à coup sûr, un renoncement à ses convictions politiques.

Diversité ... prédatrice !

Diversité ... prédatrice !

Un manque de courage politique.

Jeanne Barseghian et son équipe auraient dû s'inspirer de la décision du président de la Métropole de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, qui a proposé le 8 février 2021 de renoncer au projet de construction d'une autoroute de 41,5 km pour contourner Rouen, pour un montant total de 886 millions d'euros. En effet, après cinq heures de débat le conseil métropolitain a tranché par 76 voix contre 43 et quatre abstentions et décidé de "ne pas financer" ce contournement où la circulation produirait 50.000 tonnes de C02 par an, soit 50 jours d'émission d'une zone de 700.000 habitants : "Un désastre", selon EELV. Et pourtant, en 2016, la métropole, déjà dominée par le PS allié à EELV, s'était clairement prononcée pour le contournement. De plus, le préfet de Normandie Pierre-André Durand avait exercé un chantage en indiquant le 26 janvier à la presse : "Si la Métropole vote non, l'Etat n'imposera pas cette infrastructure. Le projet serait de fait abandonné". Il faut savoir qu'un accord de 2017 prévoyait une participation de 245 millions d'euros de l'Etat, 157 millions provenant de la Région, 66 millions de la Métropole et 22 millions du département de la Seine-maritime. L'apport du futur concessionnaire devait être de 396 millions.

Au regard du cas rouennais, il est clair qu'il était possible pour l'exécutif de l'EMS de revenir sur les délibérations passées, d'autant plus que ce projet de rénovation est financé à 100 % par de l'argent public et, juridiquement, cela était possible. La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian et la Présidente de l'EMS, Pia Imbs ont donc manqué de courage politique. Elles ont dû penser ne pas pouvoir assumer la confrontation avec les oppositions politiques de LREM, LR et PS sur une tel sujet. Les propos de Jeanne Barseghian sur "la qualité environnementale" et la "sobriété" du projet s'apparentent ainsi à une forme de greenwashing, bien malvenu de la part d'une écologiste. Il est heureux que des mesures soient prévues pour limiter l'empreinte carbone, comme l'installation de panneaux photovoltaïques, le captage des eaux de pluie ou le raccord à un réseau de chaleur biomasse, ce qui est quand même le minimum que l'on peut attendre d'une majorité politique qui se réclame de l'écologie. En revanche, cette décision de réaliser ce projet "Meinau" relève bien de sa responsabilité.

Intelligence ... double-face !

Intelligence ... double-face !

Un projet élitiste.

D'autant que ce projet n'a pas pour objectif premier de réaliser la "mixité sociale" à l'occasion d'une rencontre sportive, comme le démontre la lecture de l'étude de faisabilité du cabinet « Catevents ». Celle-ci estime en effet à 27 700 000€ la réalisation de nouveaux espaces "à prestations", c'est à dire pour un public VIP. Par comparaison, l'amélioration globale de la structure existante est évaluée à 13 900 000€.

La lecture détaillée de cette étude nous donne la mesure du caractère luxueux et élitiste de cet investissement pour VIP :

« L’accès VIP positionné près de la zone de dépose minute, couverte, au niveau zéro, conduira à des escalateurs et des escaliers positionnés dans un espace vitré donnant vue sur la zone mixte. Au premier étage, la boîte disposera d’un large salon permettant cocktails, réceptions et une restauration dans une ambiance décontractée, au-dessus de laquelle une mezzanine accueillera un restaurant avec service à table. Au sein de l’atrium, des bars et des zones d’accueil équipées de fauteuils serviront les deux côtés de l’entrée au Rdc. Au deuxième niveau, une "Allée des partenaires" permettra des réceptions d’avant et d’après matches, au sein d’un ensemble de loges entourant la desserte principale intérieure. Un accès direct, soit aux sièges VIP, soit aux loges, sera prévu depuis l’atrium au moyen de passages permettant une mise en perspective saisissante des volumes. Sur le toit, une terrasse couverte fournira des espaces réceptions supplémentaires, dans le cadre d’un "micro-climat" créé par une structure légère recouvrant l’espace. Des prestations de toutes natures seront possibles, donnant ainsi au business plan du club une grande flexibilité ».

Etendre ainsi l'accès des classes populaires au stade de la Meinau ... vraiment ?

La soupe est bonne !

La soupe est bonne !

Privilégier les recettes VIP.

Et c'est précisément ce point qui rend inacceptable ce projet. L'objectif prioritaire est bien de « Créer un espace réceptif dans la tribune sud pour accroître l’attractivité de l’équipement et générer de nouvelles recettes VIP ». Le but est d'augmenter les recettes de billetterie du RC STRASBOURG ALSACE qui s'élèvent aujourd'hui à environ 17 € par spectateurs.

Voici par comparaison les recettes moyennes par spectateur enregistrées lors des matchs de ligue 1 en 2018-2019 pour quelques clubs français :                                              

Paris Saint-Germain : 56,70 €

Girondins de Bordeaux : 34 €

Olympique Lyonnais : 33,90 €

OGC Nice : 10,20 €

Montpellier Hérault SC : 9,50 €

Nous constatons que le RCS se situe bien en dessous de certains gros clubs comme Paris, Lyon ou Bordeaux. Cette différence s'explique par la vente de places VIP aux riches milieux économiques de la région. Conformément aux vœux du club, le choix qui a été retenu par l'exécutif de l'EMS, dans la rénovation du stade, est d'accorder la priorité à l'augmentation des places VIP et non d'augmenter fortement la jauge globale qui ne passe de 26 100 à 32 500 places. Ce choix élitiste est incompréhensible alors que le taux de remplissage du stade est de 99 % pour la saison 2018-2019 et qu'il y a 19 187 abonnés, ce qui montre l'engouement des alsaciens pour leur équipe fétiche. En revanche cette décision a un coût, très élevé et qui se révèle être à la charge des collectivités locales, pour un montant total de 100 millions d'euros. Le plan de financement est en effet le suivant :

            •Eurométropole de Strasbourg : 50 M€

            •Région Grand Est : 25 M€

            •Département du Bas-Rhin : 12,5 M€

            •Ville de Strasbourg : 12,5 M€

Il y a là un pari pour le moins incertain, surtout dans le contexte actuel. Avec la baisse des droits télévisions suite à la faillite de la société MediaPro tout d'abord : cela représentera pour le RCSA entre 18 et 20 millions d'euros en moins pour l 'année 2020-2021. Puis, avec la crise du COVID et les matchs joués à huis clos, un manque à gagner d'une dizaine de millions est à attendre. Enfin, avec la difficulté de vendre des joueurs aux clubs allemands, italiens ou espagnols, qui connaissent à leur tour des difficultés financières avec la COVID. Le cas du joueur Mohamed Simakan en est un exemple. Il faut toutefois reconnaître à la direction du RCSA de ne pas avoir cédé par le passé à la folie des grandeurs, situation rencontrée dans de nombreux autres clubs français.

Egon Schiele : Avant la grippe de 1918

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Une forme d’aveuglement face aux enjeux de société et environnementaux.

Ne pas tenir compte de ce contexte dans les choix de rénovation et avoir avantagé un projet élitiste censé renforcer l’attractivité de l’agglomération strasbourgeoise est irresponsable. L’exécutif de L’EMS aurait dû privilégier un projet s’inscrivant dans une perspective de planification écologique et solidaire et non de logique marchande. Un tel objectif ne peut être atteint sans une forte conviction des élus locaux mais exige aussi l'adhésion des citoyens à un modèle de société reposant sur la coopération entre les territoires et la solidarité sociale. Car celle-ci peut également s'exprimer dans les choix des pratiques sportives, y compris sur le plan des "spectacles". Or cette approbation des alsaciens ne peut être obtenue sans une démarche exemplaire de la part des élus dans les prises de décision.

Un projet beaucoup moins coûteux aurait été possible, tout en offrant un équipement performant améliorant la qualité de l'accueil des spectateurs autant que la jauge. Assurer la pérennité du club, privilégier le caractère populaire du football et maintenir en bon état le stade de la Meinau auraient dû être les 3 priorités de Jeanne Barseghian et Pia Imbs. En tout état de cause, un stade qui doit rester propriété de l'EMS pour permettre aux alsaciens amateurs de football de continuer à vibrer pour leur équipe fanion.

Jeux d'ombres

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