Guerre en Ukraine : comment sortir de cette crise par le haut et vers la paix ? (2ème partie, l'OSCE)

Publié le par Dominique Weiss et Jean-Claude Val

Devenue permanente au 1er janvier 1995 sous la dénomination d'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, l’OSCE est l’instance internationale la plus appropriée pour régler les différends de frontières entre 2 pays, épaulée par l’ONU si nécessaire. A plus forte raison l'est-elle dans la zone géographique concernée aujourd’hui (l'Ukraine), après la Crimée, la Georgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan (Haut-Karabagh), la Tchétchénie, la Serbie, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine ... tant elle a déjà été impliquée dans ces autres conflits ... non réglés depuis la dissolution de l’URSS.

En toute logique, après la disparition de l'URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991, l’OSCE aurait dû depuis bien longtemps tenter de régler ces problèmes de frontières. La Russie était membre de la CSCE dès juin 1973. La médiation de l'OSCE est tout autant justifiée dans le cas de "frontières internes" à un pays, comme c’est le cas aujourd'hui de l'Ukraine et des républiques auto-proclamées du Donbass, la République Populaire de Donetsk (RPD) et la République Populaire de Lougansk (RPL). Elle l'était tout autant dans le cas de l'occupation de la Crimée par la Russie (mars 2014), annexée par elle depuis (après référendum très largement majoritaire sur place, il est vrai). A sa fondation, l'objectif déclaré de la CSCE (devenant OSCE) était bien de garantir la paix ... et de laisser loin derrière les conflits de la guerre froide.

C’est pourquoi dans le contexte explosif actuel, le Parti de Gauche, la France Insoumsie et Jean-Luc Mélenchon, réclament simultanément à un cessez-le-feu immédiat, l’ouverture d’urgence d’une conférence sur les frontières, notamment dans le cadre de l’OSCE (voir le programme « l’Avenir en Commun » ). C’est ce qu’a rappelé Jean-Luc Mélenchon lors de l’émission « La France face à la guerre » (TF1, lundi 14 mars) : c’est bien la paix ... ou la guerre en Europe qui est en jeu.

La Hofburg : du symbole d'un empire au siège d'une organisation pour la paix !

La Hofburg : du symbole d'un empire au siège d'une organisation pour la paix !

2. L'OSCE : apparemment la plus adaptée pour une négociation régionale des conflits frontaliers en Europe.
Objectif principal : garantir la sécurité et la coopération pacifique entre ses 57 membres.

Elle est certainement la mieux placée pour garantir la sécurité et la coopération pacifique entre les 57 états membres, et éviter ainsi d'en arriver aux conflits armés.

C'est en effet la seule institution "régionale" où peuvent dialoguer directement, dans un cadre multilatéral et sur un pied d'égalite tous les bélligérents potentiels :  la Russie, les Etats-Unis, ainsi que tous les pays d'Europe (dont l'UE) et d'Asie centrale. Y sont donc rassemblés les membres de l'OTAN ... dont la Turquie par exemple, mais également ceux qui n'y sont point comme l'Ukraine, la Georgie, la Moldavie, l'Arménie (voir le conflit du Haut-Karabach avec l'Azerbaïdjan, lui aussi partie prenante) ....

Aux arbres ....  et caetera !

Aux arbres .... et caetera !

Les instances décisionnelles.

Siégeant à Vienne dans l'ancien palais impérial de la Hofburg (c'est dire son importance symbolique) et dotée d'un budget de 138,2 millions d'Euros (en 2019), l'OSCE est chapeautée par une secrétaire générale, Helga Schmid (décembre 2020) et un président, Zbiegniew Rau (2002).

Le sommet des chefs d'Etat ou de gouvernement fixe les priorités politiques.

Le Conseil ministériel réunit annuellement les Ministres des affaires étrangères des 57.

Le Conseil permanent est chargé des consultations et des prises de décision, ainsi que d'éxécuter celles-ci et les tâches définies par les 2 permiers organes. Composé des ambassadeurs nommés par leur gouvernement en tant que "Représentant permanent", il se réunit une fois par semaine à Vienne. C'est le lieu de débats trés animés, reflets notamment des divergences entre les Etats-Unis, l'UE et la Russie.

L'Assemblée parlementaire se réunit 2 fois par an à Copenhage, forte de 323 membres, dont 13 représentants de l'Assemblée Nationale (8) et du Sénat français (5). Elle a essentiellemenet pour mission d'évaluer la mise en oeuvre des objectifs.

La présidence se fait par roulement annuel et c'est au tour de la Pologne de l'assumer (au 1er janvier 2022). C'est toujours le Ministre des affaires étrangères du pays qui en remplit la fonction (Zbiegniew Rau), mais il est épaulé par son prédécesseur (2021, la Suède) et son successeur (Macédoine du Nord en 2023), formant ainsi ce que l'on appelle "la troïka", permettant ainsi d'assurer la continuité.

De fait, et depuis la mutation en OSCE (1995), aucun membre permanent du Conseil de sécurité n'a exercé la présidence. Mais, comme l'OSCE ne dispose d'aucune force pour faire apppliquer ses délibérations, ce sont bien l'OTAN et les forces russes qui en restent les bras armés. L'OSCE est ainsi devenue davantage une organisation politique au sens strict, mais où les diplomates remplissent des fonctions primordiales.

Guerre en Ukraine : comment sortir de cette crise par le haut et vers la paix ? (2ème partie, l'OSCE)
Les structures exécutives.

Elles préparent les décisions prises et en assurent la mise oeuvre.

- Le secrétariat général est élu par le Conseil ministériel pour un mandat de 3 ans.

- Le Haut Commissaire pour les minorités nationales siège à La Haye et intervient s'il y a risque de dégénérescence en conflit.

- Le représentant pour la liberté des médias assure le suivi de la situation et siège à Vienne.

Il faut ajouter à cet ensemble les 11 états partenaires pour la coopération, asiatiques (Japon, Corée du Sud et Thaïlande, Afghanistan), méditerranéens (Algérie, Maroc, Tunisie, Israël, Jordanie, Egypte) ainis que l'Australie pour l'Océanie.

L'histoire des conflits en recherche de règlement trace progressivement la pérennité de l'institution.

La première conférence s'est ouverte à Helsinki en 1973 (du 3 au 7 juillet) et s'est achevée en 1975 par la signature de  son acte final qui marque le début du processus multilatéral de recherche d'amélioration de la sécurité et de la coopération. Au moment du premier choc pétrolier, le climat Est/Ouest se détériore mais les conférences se poursuivent. Une nouvelle conférence se tient alors à Belgrade (1977-78), puis la suivante à Madrid (1980-83), qui abordent déjà la question du désarmement en Europe.

La CSCE peine ensuite, mais l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev comme premier secrétaire du Comité Central du Parti Communiste de l'Union Soviétique (11 mars 1985), puis comme Président du Praesidium du Soviet Suprème de l'URSS (1er octobre 1988) va la relancer.

La 3ème conférence de Vienne (1986-89), puis le sommet de Paris (novembre 1990) en témoignent. Des accords sur les droits de l'homme et la charte de Paris appellent à une "nouvelle ère de démocratie, de paix et d'unité en Europe", marquée par la création d'un  Conseil des ministres des affaires étrangères.

Malgré tout, les difficultés se multiplient, y compris en Europe, allant jusqu'au conflit armé qui éclate en Yougoslavie en mars 1991. Sont alors mises en place, fin 1992, des missions de maintien de la paix dans 3 régions de Serbie (Kosovo, Sandjak, Voïvodine), en Georgie et en Estonie.

De la relance de l'organisation à l'impasse des applications de ses décisions.
LeyBidPout ou le trio infernal ...

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Le sommet de Budapest (1994) transforme la CSCE en organisation permanente, qui prend le nom de OSCE au 1er janvier 1995. Y sont alors admis les nouveaux états européens issus de la dislocation de l'ex-Yougoslavie et de l'ex-URSS, portant le nombre des pays membres à 52. La nouvelle OSCE accumule alors les mission d'aide à la prévention et au règlement des conflits. Mission d'observation des élections parlementaires au Kirghizistan et en Estonie (1995), mandat au titre des accords de Dayton pour en assurer la mise oeuvre en Bosnie-Herzégovine (1996), adoption d'une charte de la sécurité européenne et traité sur les forces armées conventionnelles en Europe signés au sommet d'Istanbul en 1999, autant de résultats positifs qui marquent sa montée en puissance dans le réglement des conflits ... en Europe.

Hélas, les années 2000 sont marquées par l'apparition de nouveaux conflits, associée au fait que l'OTAN et l'UE sont privilégiés par la partie occidentale en même temps que les membres orientaux de l'OSCE ont commencé à contester les contraintes liées aux engagements déjà signés.

Cette marginalisation de l'OSCE se traduit par une absence de sommet en 1999 et 2010, alors qu'elle a occupé une place importante sur le terrain pour trouver une solution au conflit séparatiste dans le Donbass. Le sommet d'Astana (Kazakhstan, 2010) a marqué la réaffirmation des principes mis en cause durant la décennie précédente. En 2014 l'OSCE est alors mandatée pour intervenir dans la crise ukrainienne, composant le groupe de contact trilatéral Russie/Ukraine/OSCE. En septembre 2014 et après les pourparlers facilités par l'OSCE, le "protocole de Minsk" est signé, en faveur d'un cessez-le-feu dont on sait hélas qu'il ne sera respecté par aucune des parties. Pas davantage par l'Ukraine que par les deux républiques sécessionnistes du Donbass.

L'histoire est encore en cours dans cette région d'Europe ... de manière dramatique, tragique et si tendue qu'elle met en danger la paix dans le monde. L'autorité de la diplomatie éprouve toujours des difficultés à s'imposer devant la force des armes, alors qu'elle seule peut conduire à la paix !

la paix finit toujours par trouver sa voie

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