Politique de différenciation : le calendrier se précise !
Le 6 septembre 2022, les parlementaires alsaciens de la majorité présidentielle ont rencontré le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin pour plaider la cause d’une sortie de l’Alsace du "Grand-Est".
Leur détermination pour avancer dans ce dossier semble sans faille. Ainsi la députée Brigitte Klinkert qui affirme avec une belle assurance au journaliste des DNA : « C’était un premier rendez-vous, nous allons également rencontrer la Première ministre et le Président de la République ». Un tel aplomb ne peut manquer de surprendre au moment où les français sont plus préoccupés par l’envolée des prix, la guerre en Ukraine ou les conséquences des dérèglements climatiques.
À l’évidence, la sortie de l’Alsace de la région Grand-Est n’est pas actuellement la principale préoccupation des alsaciens : ils attendent plutôt de leurs élus des réponses concrètes et ambitieuses aux défis climatiques, sociaux et économiques.
Pour comprendre ce comportement pour le moins surprenant, il convient de se référer à la déclaration de politique générale de la Première ministre Élisabeth Borne, le 6 juillet devant l’Assemblée nationale, affirmant que « son gouvernement poursuivra la logique de différenciation partout où elle répond aux attentes (..) La règle commune doit pouvoir s’adapter en fonction des spécificités de chaque territoire ».
Elle précisait que ce chantier « passera par des concertations approfondies que nous lancerons l’an prochain », donc en 2023. La politique de différenciation se comprend comme l’attribution dissemblable de compétences exercées par une même catégorie de collectivités territoriales. Ainsi, par exemple, des régions ou des départements pourraient se voir attribuer des compétences différentes.
La mise en œuvre de la politique de différenciation est donc un des chantiers prioritaires du gouvernement d'Élisabeth Borne, comme peuvent l’être les attaques contre l’assurance chômage et le système de retraite, dans une volonté de saper les fondements de l’Etat social français.
Ces propos tenus par Élisabeth Borne appelant à poursuivre une politique de différenciation ont bien entendu reçu l’approbation enthousiaste de Jean Rottner, président de la région Grand-Est et de Frédéric Bierry, président de la collectivité Européenne d’Alsace (CEA). Tous deux sont en effet persuadés que c’est en modifiant le cadre institutionnel français qu’il sera possible de répondre aux enjeux "locaux" voire nationaux. Dans le cas de l’Alsace, il s’agit d’insérer son économie dans le bassin rhénan, dans une logique de concurrence des territoires à l’échelle transfrontalière.
Par contre, ce qui distingue les deux hommes, c’est la question de la sortie de l’Alsace de la région Grand-Est. Pour Jean Rottner, « La différenciation, ce n’est pas la remise en cause des limites territoriales » : il essaye ainsi de couper l’herbe sous le pied de son rival.
En fait, derrière le paravent de la prise en compte des spécificités locales, avec la sortie de l’Alsace de la région Grand-Est se cache la volonté de changer l'architecture institutionnelle de la France, au nom d’une recherche d'efficacité du fonctionnement des pouvoirs publics soumis aux lois du marché. Pour ce faire, il faut contourner par différents moyens les principes à valeur constitutionnelle de la République, tels que l'indivisibilité de la République ou encore l'égalité des citoyens devant la loi.La politique de différenciation est un des moyens mis en œuvre par les défenseurs d’une vision néo-libérale de la société. Pour s’en persuader, le discours du Premier ministre Édouard Philippe devant le Congrès de l’Assemblée des départements de France, le 20 octobre 2017, est édifiant: «[...] nous avons franchi une nouvelle étape de la décentralisation. Cette nouvelle étape ne sera pas celle de grandes transformations institutionnelles appliquées uniformément sur le territoire national. Il s’agira d’une étape où l’uniformité des organisations n’est plus la condition de l’unité de la Nation. Une étape qui laisse place, non seulement à l’expérimentation, mais à la différenciation ».
Pourtant comme le démontre l’expérience, une telle politique reposant sur une primauté des "lois du marché" est source d’inégalités sociales minant la cohésion du pays. En outre, elle est impuissante à faire face aux défis sociaux, énergétiques et climatiques.
Cependant, pour les artisans d’une sortie de l’Alsace du Grand-Est, un obstacle supplémentaire s’est dressé avec l’absence d’une majorité absolue présidentielle à l’Assemblée nationale. Comme le formule avec regret le député du Bas-Rhin, Vincent Thiébaut se confiant aux DNA : « Il faut qu’on traite ce sujet mais dans une vision globale, mais je ne vois pas comment d’un point de vue législatif, au vu de la composition de l’Assemblée nationale, une loi spécifique Alsace peut être refaite. S’il y a une réponse, ce sera à une problématique plus générale ».
Une telle loi s’attaquant à l’architecture institutionnelle de la République trouverait assurément l’appui des députés macronistes et serait soutenue par les différents partis de droite à l’Assemblée nationale, qui mènent ce combat depuis de nombreuses années. Il est d’ailleurs significatif que, dans l’expression des députés alsaciens, pas un mot n'a été prononcé sur la défense des droits sociaux et des conditions de vie des salariés. Ce qui serait assurément le moyen le plus efficace pour rétablir la confiance et s'assurer du soutien des citoyens dans les institutions représentatives.
De plus, croire comme le défend Frédéric Bierry que la restauration de la confiance des citoyens dans les institutions politiques et la lutte contre l’abstention passent par une structure plus décentralisée du pays est une illusion. L’exemple de l’Espagne est éclairant : son organisation territoriale repose sur un modèle de quasi-fédéralisme, confiant les politiques publiques les plus importantes aux communautés autonomes et, pour le Pays Basque en particulier, lui accordnt une large autonomie financière assortie d'une politique fiscale quasi autonome. Et pourtant, la confiance des espagnols envers les institutions est également basse.
Au contraire, c’est en restaurant des services publics de qualité et en garantissant leurs accès à tous, et en organisant la bifurcation écologique par la planification, que l’on pourra résoudre efficacement la crise sociale, climatique et démocratique de notre pays. Et redonner ainsi confiance aux citoyens dans la vie démocratique.
Le Parti de Gauche du Bas-Rhin (PG67) est favorable à un retour immédiat aux division administratives d'avant 2015, c'est-à-dire à une sortie immédiate du cadre de la loi NOTRe (07 août 2015). Une "Région Alsace" permettra de sortir du découpage régional en "grandes régions", un découpage artificiel organisé subrepticement (et sur un coin de nappe de table) par François Hollande et son entourage, un découpage incompatible avec les réalités des territoires. Ce retour à la région Alsace exigera simultanément le retour aux 2 départements qui la subdivisent, historiquement, culturellement et économiquement, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin effacés par la Collectivité Européenne d'Alsace (CEA) ... ce funeste projet ourdi par la droite locale et qui avait pourtant été rejeté par le référendum régional de 2013 (voir le référendum du 07 avril 2013) !
En revanche, nous refusons les principes de subsidiarité et de différenciation qui visent à saper les fondements de la République.
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction [...] (Article premier de la constitution du 4 octobre 1958)