Réforme de la voie professionnelle : un important recul de l'école de la République.
Emmanuel Macron vient d'annoncer une réforme de l'enseignement professionnel. Il avance que l'orientation dans la voie professionnelle se fait souvent par défaut (ce qui est exact, hélas, nous y reviendrons plus bas), parlant à son propos de "mauvaise organisation collective".
Mais ... à qui la faute ?
Il entend donc doubler la durée des stages en entreprise ... afin de faire converger cette filière ... vers l’apprentissage ! Et il argumente ainsi : c'est pour mieux adapter ces filières aux besoins du marché du travail.
Bien évidemment, l'augmentation des stages en entreprise impliquera inéluctablement moins de présence des élèves dans les établissements. Outre une baisse importante des enseignements de base, ils ne bénéficieront donc plus, ou beaucoup moins, des projets culturels, artistiques et sportifs alors même qu'ils sont les plus éloignés de ces pratiques.
Macron s'attaque ainsi à l'un des fondements de l'école républicaine, l'existence de trois voies d'enseignement : la voie générale, la voie technologique et la voie professionnelle.
En affaiblissant la voie professionnelle il feint d'ignorer que cette dernière, à travers le lycée professionnel (LP), n'est pas qu'un moyen de formation à un métier. C'est aussi une formidable machine à rattraper les élèves qui ont connu, à un moment donné de leur scolarité, des difficultés et ont été ainsi orientés vers le LP.
Aidés par la création du bac professionnel en 1985 nombre d'élèves ont pu ensuite se diriger vers des études universitaires, bien souvent en IUT ou en BTS, parfois même dans un cycle plus long.
Pourquoi vouloir affaiblir cette filière de remise sur rails d'élèves fragilisés au départ, en supprimant une part non négligeable d'heures d'enseignement général ? Sans doute pour mieux rapprocher la formation en lycée de l'apprentissage ... et permettre ainsi au patronat d'augmenter sa mainmise sur la formation des jeunes !
Macron constate que le taux d'embauche est relativement faible à la sortie du LP et désire ainsi adapter la formation à l'état de l'emploi dans la région. C'est oublier l'existence des 11 commissions professionnelles consultatives (CPC) qui définissent les diplômes à mettre en place (ou à supprimer). C'est aussi ne pas tenir compte du fait que la situation de l'emploi est mouvante, et qu'en conséquence une adéquation parfaite et permanente entre "formation" et "emploi" est irréaliste, voire utopique. D'autre part, une adaptation stricte de la formation aux besoins locaux enlèverait aux élèves la possibilité de se former à un métier qui n'existe pas localement, limitant ainsi leur future mobilité professionnelle.
Dans ce projet macronien il est question également de pouvoir adapter localement des horaires de matières générales. Des matières jugées "non-fondamentales" vont ainsi, sans doute, disparaître. En réalité les élèves n’auront plus accès à une formation nationale et ne seront plus à égalité "territoriale" devant leurs épreuves à l’examen ! C'est donc un pilier de l’école de la République qui est frontalement remis en cause par le président Macron.
On se dirige vers une situation où les élèves perdront des bases d'enseignement et culturelles nécessaires à une évolution de carrière, où la formation coûtera finalement plus cher. Il est même question de fournir un pécule aux élèves en stage et les entreprises ne vont pas accepter l'augmentation des jeunes en formation chez elles sans contrepartie financière.
Nous venons d'apprendre que le lycée des Métiers Charles de Gaulle de Pulversheim doit fermer ses portes en 2025. Les raisons avancées sont d'ordre économique. C'est significatif du regard porté par nos responsables politiques sur l'enseignement professionnel. Peu de considération pour les besoins de formation des jeunes, diminution inéluctable de l'offre de formation sous statut public. La région Grand Est s'inscrit donc malheureusement dans ce vaste mouvement voulu par Macron.