Voie professionnelle : menaces sur le lycée des métiers de Pulversheim
Dans ce bassin potassique plutôt sinistré depuis la fermeture des Mines de potasse d’Alsace (2001 pour les derniers puits exploités), le lycée professionnel Charles-de-Gaulle de Pulversheim est tout un symbole. Il est également l’un des derniers atouts économiques de cette commune de 3000 habitants située au nord de Mulhouse sans pour autant en être une ville-dortoir.
Héritier de l’école des mines (ce qui fut le centre d’apprentissage des mines de potasse) et créé en 1977, le lycée des métiers de Pulversheim est une institution dont ne sont pas peu fiers les habitants de cette commune. Il attire nombre d’élèves de Mulhouse qui y trouvent leur intérêt.
Un établissement dont la qualité de la formation est reconnue bien au-delà du bassin d’emploi, notamment grâce à la qualification « AZUBI-BACPRO » qui confère aux élèves de la section "électrotechniciens" qui suivent cette formation une attestation de de compétences linguistiques reconnue de l’autre côté de la frontière, en Allemagne. En même temps, ce lycée dispense des formations parfaitement adaptées aux besoins locaux-régionaux, en formant des électrotechniciens, des tuyauteurs et, dès l’an prochains, des soudeurs répondant ainsi à la demande des entreprises locales (voir l’article de Laurent Bodin : DNA du 26 octobre 2022).
Président de la région « Grand-Est » mais précédemment maire de Mulhouse (2010-2017, maire LR) et président de l’agglomération M2A (Mulhouse Alsace Agglomération), Jean Rottner a pourtant décidé de fermer le lycée de Pulversheim à l’horizon 2025 ! De même qu’une dizaine d’autres lycées professionnels pour la grande région (sur les 350 établissements gérés), suivant en cela bien évidemment les directives du Président de la République qui entend réorienter les formations « professionnelles » vers les entreprises et leur logique, dans le but explicite de les rapprocher de l’apprentissage (voir l’article précédent signé par Jean-Michel Vaillant : "Réforme de la voie professionnelle, un important recul de l'école de la république").
Jean Rottner invoque en effet un manque « de performance énergétique » et une volonté de réaliser des « économies » : mais pourquoi la région ne poursuivrait-elle pas les travaux nécessaires, déjà engagés pour 1/7 des sommes avancées ? Après tout, la région distribue des millions d’Euros à des aéroports, loin d’être des parangons de vertu dans le domaine énergétique … et qui ne pourraient maintenir leur activité sans ces subventions.
Il ajoute que le taux d’occupation de l’établissement serait particulièrement faible (39%), avec ses 297 élèves. Sans compter le coût du démantèlement des équipements en cas de fermeture (jamais comptabilisé ou toujours largement sous-évalué, comme pour le coût de stockage/enfouissement des déchets nucléaires) et du transfert des formations dans d’autres lycées.
Pourtant, Antoine Homé, actuel Vice-Président de la M2A et maire de Wittenheim (Ps), conteste cette sous-évaluation de la fréquentation du lycée. Lui valide plutôt la version « locale », qui oppose 92% de taux de remplissage pour 333 élèves inscrits, grâce notamment aux 2 BTS de Chaudronnerie et de Maintenance opérationnelle de la sécurité. C’est le maire de la commune, Christophe Toranelli, également professeur dans l’établissement, qui avance ces chiffres et ajoute que la capacité d’accueil de l’établissement n’est plus que de 370 élèves depuis qu’une partie des locaux a été transformée en internat (65 élèves internes). Le lycée peut même se vanter d’offrir une restauration de qualité peu commune : « Notre restaurant scolaire propose une cuisine de qualité avec un approvisionnement en circuits courts et des produits bio » (voir le site du lycée).
Jusqu'au président de la nouvelle CEA (Collectivité Européenne d’Alsace) qui prend le contre-pied de Jean Rottner … et semble s’opposer aux propos d’Emmanuel Macron ! Frédéric Bierry fait en effet savoir dans un communiqué que … « il est inconcevable de fermer des lycées ou lycées professionnels, véritables creusets pour la main-d’œuvre qualifiée des entreprises locales et filières d’excellence qui permettent à nos jeunes de trouver facilement un emploi ».
Visiblement, quoique (ex)voisin, Jean Rottner connait très mal le lycée qu’il a décidé de sacrifier sur l’autel des économies budgétaires et de la normalisation entrepreneuriale. Et la région Grand-Est s'inscrit donc malheureusement dans ce vaste mouvement voulu par Macron.
Pourtant Jean Rottner se targue habituellement d'être un défenseur de "sa région" ... l'Alsace. En prenant l'initiative d’y fermer l'un de ses établissements de l'enseignement du second degré ...
Il est vrai qu’en matière vestimentaire il n’en est pas à son premier … retournement !
Ayant appris que le projet de « grande région » à l'Est de la France allait couvrir une étendue allant de la Champagne à l'Alsace, il lançait le 20 juillet 2014 une pétition défendant l'Alsace … estimant ce projet contraire à la cohérence des territoires et aux intérêts des populations et identités régionales. Il préconisait alors la création d'une collectivité territoriale à statut particulier pour l'Alsace. Toutefois, devenu président du Conseil Régional il se pose alors en défenseur de la nouvelle grande région … quitte à être en opposition avec son précédent positionnement. Que d'hypocrisies !
Une manifestation pour protester contre la fermeture du lycée Charles-de-Gaulle est prévue à Pulversheim le 9 novembre.
Le Parti de Gauche du Haut-Rhin a immédiatement pris publiquement position (sous la bannière de la France Insoumise) contre cette fermeture, injustifiée autant que inique.