Les retraites dans la Sécu ... un pactole convoité ! (1ère partie, "La Sociale")

Publié le par J.C. VAL

Retour ... sur le futur !

Retour ... sur le futur !

La Sécu, c'est quoi ?

Quelques données pour commencer ... et mesurer l'appétit du grand capital !

La Sécu c'est d'abord l'URSSAF-Caisse nationale (Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et des Allocations Familiales), chargée de la trésorerie du régime général et qui pilote les Urssaf régionales, qui collectent les cotisations et contributions sociales.

Chaque Urssaf régionale est administrée par un Conseil d'Administration de 20 membres et composé de 8 représentants des assurés sociaux (donc des salariés), 8 représentants des employeurs et travailleurs indépendants, ainsi que de 4 "personnes qualifiées", complété enfin par 3 représentants du personnel (à voix consultative). Quoique assurant les fonctions d'un service public, les Urssaf sont des organismes de statut privé.

Economiquement parlant, ce sont 10,3 millions de "comptes cotisants" qui sont gérés en 2020, totalisant la bagatelle de 528 milliards d’euros de recettes recouvrées, pour un montant total de dépenses de 575 Mds d’Euros (donc un déficit constaté de 47 Mds d’Euros). 54% des recettes proviennent des "Entreprises et des administrations" (disons, les employeurs ... et l'Etat, surtout) et 46% des ménages, par leurs cotisations diverses.

Il n'y a pas de petits profits.

Il n'y a pas de petits profits.

Le principe de financemenet de la Sécu a en effet bien évolué en un demi-siècle : les cotisations sociales ne représentent plus que 47,6% des ressources de la Sécu … quand la CSG est passée à 24,5% de celles-ci (taux de la CSG = 9,2% entièrement prélevés sur les ressources des salariés et les retraités, à "taux réduit" pour ces derniers – 8,3% ou 6,6% voire 3,3%) et les "contributions diverses impôts et taxes" à 21,8%. Cette évolution traduit une nette fiscalisation de celles-ci (l'impôt d'étatse substituant aux cotisations sociales) et donc un droit de gestion grandissant de l'État bien au-delà du simple "droit de regard". Restent encore les "cotisations prises en charge par l’État" s'élevant à 1,7% du total des ressources : pour certains salariés non titulaires, l’Etat verse à la Sécu les cotisations en lieu et place desdits salariés.

A titre de comparaison, l'ensemble de la richesse produite en France s'élevait en 2020 à 2300 Milliarsd d'Euros. Le budget de la Sécu représente donc à lui seul près de 23% des richesses produites, loin devant le budget de l'État (451 Mds de recettes totales) !

Ainsi et depuis 1945, près d'un quart de la richesse nationale (mesurée par le PIB) est soustraite à la convoitise du grand capital, pouvant susciter chez ses propriétaires des appétits voraces !

Les richesses gérées par la Sécu sont dites "socialisées" puisque redistribuées entre tous les assurés sociaux. Elles échappent donc à "la loi du marché" et à la domination du grand capital. Cette redistribution se fait selon un principe de solidarité, "à chacun selon ses besoins" (familiaux, de santé et autres accidents de la vie, vieillesse). En revanche chacun y cotise "selon ses moyens" : les cotisations sont proportionnelles aux revenus perçus, pour l'essentiel des salaires, avec quelques restrictions toutefois. Il en va ainsi du fameux "plafond de la Sécurité sociale", au-delà duquel les cotisations de retraites ne sont plus perçues (pour plus de précisions, voir la partie 2 de l'article, centrée sur es retraites).

Au 1er janvier 2023 ce "plafond" s'élève à 3666 € mensuels et la retraite "de base", celle versée par la Sécu (ou CARSAT : cf. ci-dessous), ne peut jamais dépasser 50% de ce plafond, en l'occurrence 1.833 €. Et encore faut-il préciser que toutes les conditions doivent être remplies pour prétendre à une retraite "à taux plein", à savoir être âgé aujourd'hui de 67 ans (âge de fin de décote, mais même exigence du nombre de trimestres cotisés que ci-dessous) ou que l'âge légal de départ (62 ans aujourd'hui, 64 ans dans le projet Macron/Borne) ait été atteint, simultanément au nombre de trimestres de cotisation exigés (de 166 à 172 selon l'année de naissance). Les "indépendants" et autres professions libérales cotisent  bien entendu selon d'autres critères.

Une redistribution quasi totale ... puisqu'il faut bien rémunérer celles et ceux qui font tourner la Sécu, à savoir ses salariés, l'une des 3 catégories de "fonctionnaires". Mais des salariés de la Sécu qui coûtent bien moins cher en salaires que les multiples "cadres financiers" des compagnies d'assurance privées (comme aux Etats-Unis) et plus encore leurs actionnaires ... qui réclament leurs dividences (élevés !) sur le dos des familles, des malades et des "vieux".

Les APU (Administrations PUbliques), c'est combien ? (de milliards brassés)

En termes de comptabilité nationale, 59% du PIB annuel (2300 Mds en 2020) ont transité par les APU. Depuis 1990 cette proportion oscille toujours entre 52% et 59%. Soit en détaillant :

  • Administration de Sécurité Sociale (ASSO) : 25% du PIB (de 21 à 25% depuis 1990, avec un plateau depuis 2011). C'est bien le 1er budget public, avec 575 Mds d’Euros.

  • Administration Publiques Centrales (APUC) : 22% du PIB (28% en 1993/94, plateau à 21%/22% depuis 2011). C'est le second budget public, avec 506 Mds d’Euros.

  • Administration Publiques Locales (APUL) : 11% (invariable à + ou - 10% depuis 1990)

On comprend aisément que ces 1.334 Mds d'Euros (en 2020) qui échappent, pour l'essentiel, aux marchés financiers puissent provoquer des malaises dans les rangs de la grande finance internationale. Encore que, l'État étant fortement endetté du fait des réductions d'impôts et de cotisations sociales accordées aux grandes entreprises, il doive emprunter sur ces marchés financiers. Et faire ainsi le grand bonheur des "prêteurs", sûrs de retrouver les sommes prétées et à des taux d'intérêt toujours supérieurs aux taux habituels de rémunération des banques centrales.

Prudence ... goûtons la température sociale avant de ...

Prudence ... goûtons la température sociale avant de ...

Et les retraites dans tout cela ?

Couvrant les 3 "grands risques de la vie", la Sécu est subdivisée en 3 branches ou "caisses" :

- "maladie" pour les dépenses de santé remboursées aux assurés sociaux et complétées par les accidents du travail (Maladie-AT),

- "vieillesse" pour les retraites du "régime de base" (CARSAT) et enfin ...

- "famille", assurant un minimum vital aux enfants de ces familles à faible revenu ou aux familles accueillant de nombreux enfants.

 

Part de chaque branche de la Sécu dans les dépenses du régime général en 2020 :

CNAM Maladie                               = 54%

CNAV (vieillesse)                          = 32%

CNAF (Famille)                              = 11%

CNAM-AT (Accident du travail)      = 03%

(Source : Les chiffres clefs de la Sécurité Sociale, édition 2021)

 

Le poids des dépenses par « caisse » est considérable :

La CNAM finance 92 % de l’ensemble des dépenses d’assurance maladie. 219,9 milliards d’euros de prestations nettes ont été versées en 2020 et les dépenses totales de santé représentent 11,3 % du PIB en 2020. Mais elles sont de l’ordre de 15% du PIB aux USA ! Le système est pourtant largement privatisé sous forme d'assurances privées, organisées par des Compagnies d'assurance adossées à des banques et au système financier. Il faut donc "rémunérer" les préteurs et propriétaires de leurs capitaux ! Pourtant les performances médicales (et de santé en général) sont bien inférieures à ce dont nous bénéficions (encore) en France (notamment une mortalité infantile de près du double de celle subie en France et fortement différenciée selon les groupe ethno-sociaux).

La CNAV prend en charge 14,8 millions de personnes retraitées du régime général en 2020 (via la CARSAT, ou "Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail"). elle a versé 132,7 milliards d’euros de prestations nettes en 2020. Il faut toutefois ajouter à ce montant les retraites versées par les régimes complémentaires, dont ARRCO (Association des Régimes de Retraites Complémentaires, qui concerne l'ensembles salariéés du privé) et AGIRC (Association Générale des Institutions de retraite des Cadres, qui ne concerne donc que les 15% de salariés environ bénéficiant du statut de cadre) pour arriver à ces 331 Milliards d'Euros en 2020. Le poids économique de ces dépenses de retraite (de base et complémentaires) a donc représenté 14,2 % du PIB en 2020.

A noter : Si en 2007 on avait atteint un pic de 730.000 départs en retraite dans l’année, il est tombé à 550.000 en 2012. Ce niveau s’est stabilisé depuis à 640/650.000 par an, et 662.000 en 2020

La CNAF enfin, ce sont 13,6 millions d’allocataires en 2020 pour 37 milliards d’euros de prestations familiales, d’action sociale et en faveur du logement versées par la Cnaf en 2020. L’ensemble des prestations "familles" ne représente que 1,6 % du PIB.

Le régime agricole :

Pour les professions liées à l’agriculture, la mutualité sociale agricole (MSA) couvre les risques maladie, vieillesse et accidents du travail/maladies professionnelles. Elle gère en outre une branche famille, mais la couverture des prestations légales familiales est retracée dans les comptes de la Cnaf. Elle assure le recouvrement des cotisations des salariés et exploitants agricoles et pilote les caisses régionales. 1,1 million de personnes cotisent à la MSA, dont 60 % de salariés agricoles et 40 % d’exploitants, pour 30,5 milliards d’euros de prestations nettes versées en 2020 par la MSA.

 

En 2020, le budget global consacré aux pensions de retraite s'est élevé à 331,6 milliards d’Euros, soit 40,8% du total des prestations sociales et 14,4% du PIB.

C'est un montant considérable, que les tenants actuells du pouvoir politique aimeraient transférer, au moins en partie, au secteur financier privé donc aux fonds de pension, très peu développés en France contrairement aux pays anglo-saxon et même en Allemagne.

Tous les discours du gouvernement Macron/Borne et des grands intérêts économiques qui l'ont placé à la tête de l'État visent à nous faire croire que ce régime ne serait plus viable en l'état, et qu'il nous faut accepter un durcissement des conditions d'accès à la retraite "de base". Durcissement qui entraînera sans le moindre doute une dégradation des carrières, qui fera que très peu de personnes pourront remplir les 3 conditions pour qu'elle soit "à taux plein" : 64 ans, 43 annuités (172 trimestres) et ... pas trop d'années de chômage, de sorte que les "25 meilleures années" de référence pour le calcul du "salaire annuel moyen" permettent de s'approcher des 43.992 € annuels (3.666 € mensuels) du "plafond" au-delà duquel les pensions (de la CARSAT) ne sont plus versées puisque les rémunérations supérieures ne sont pas soumises à cotisation !

Les retraites dans la Sécu ... un pactole convoité ! (1ère partie, "La Sociale")
De l'assistance à "La sociale", en passant par les assurances et le mutualisme.

Les principes de protection collective des individus fragiles, dont les systèmes de protection « des vieux » (retraites), ne datent pas de l’après seconde guerre mondiale. Sans remonter trop avant, distinguons 3 grand "systèmes" ou "principes" :

1°) Charité et assistance, le plus souvent à caractère "communautaire" : depuis la nuit des temps, jusqu’au moyen-âge … disons jusqu’au XVIIIème siècle.

Souvent organisé dans le cadre de la communauté religieuse (voir en Angleterre les "poors laws", abrogées par le Poor Law Amendment Act de 1834). Un système de pensions sera mis en place au début du 20ème siècle au Royaume-Uni et sera à la base des travaux de William Beveridge en 1942 (qui mènera à la création du National Health Service).

2°) Rationalité et prévoyance : les assurances. Se développent à partir de la naissance du capitalisme (plutôt financier), disons à la fin du XVIIIème siècle. Seules les personnes à capacité de financement (épargne) peuvent y accéder, les autres continuant à survivre grâce aux systèmes d’assistance.

3°) Solidarité et assurance sociales : à partir de la fin du XIXème en France (La Commune de Paris surtout) où se mettent en place des "mutuelles", préfiguration également de ce que seront les syndicats (naissance de la CGT en septembre 1895, congrès fondateur de Limoges). Au départ le mutualisme s’entend comme un mouvement d’auto-organisation, contre l’Etat autant que contre le Capital.

Par exemple, en 1848, en France les "Sociétés de secours mutuel" comptent 2500 entités pour 270.000 membres. Mais, sous le second empire, l’État va tenter de se réapproprier le mutualisme pour contrer le péril révolutionnaire.

Outre les assurances sociales de 1928-1930 et les premières ROP (Retraites Ouvrières et Paysannes) de 1910, il faudra attendre 1945 pour que soit mis en place un véritable système public d’assurances sociales, fondées sur la socialisation et non sur les critères des placements financiers.

La Sociale est le nom que prendra cette forme de protection sociale auto-organisée contre l’Etat, contre le capital, et contre les formes de paternalisme antérieur. La sociale embrasse les aspirations démocratiques de 1793 et de la mutualité subversive (la première forme de mutualisme) qui en est l’héritière. Ses 2 concrétisations historiques sont La Commune de Paris (1871) et le régime général de Sécurité Sociale de 1946 (décrets d’octobre 1945)

Pédagogie ... à l'envers, et contre tous !

Pédagogie ... à l'envers, et contre tous !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article