Les retraites dans la Sécu ... un pactole convoité ! (2ème partie : Les retraites, une manne financière ... à capter !)
Commençons par mesurer l'importance de cette manne. Le budget alloué au risque vieillesse-survie est le plus important de la protection sociale. (N.B. : les "dépense sociales" totales ont représenté 813 Mds en 2020, soit 35% du PIB courant. Toutes ne transitent pas par l’État, loin s'en faut. Jusqu'à ce jour, la plus grande partie est gérée par les différentes "caisses", soit la caisse du "régime général" - Cnav, soit les caisses complémentaires aux régimes "par points").
En 2020, le budget global consacré aux pensions de retraites s'est élevé à 331,6 milliards d’Euros, soit 40,8% du total des prestations sociales et 14,4% du PIB. Une proportion assez stable sur le long terme, même si elle est l’une des plus élevée des pays « riches » (de l’OCDE). Notons que cette proportion est la même qu’en 2009 et 2010 et qu’elle s’est légèrement élevée jusqu’en 2016 (à 15,1% du PIB).
Elles se décomposent ainsi :
1°) Les pensions en droit direct des régimes obligatoires (Sécu/Carsat + ARCCO + AGIRC surtout) = 294,4 Mds d’Euros (soit 89% du total des pensions versées), qui se décomposant elles-mêmes en :
* Retraite de base (Sécu/Carsat), soit 132,7 milliards d’euros de prestations nettes versées par la Cnav
* Pensions complémentaires obligatoires (ARCCO/AGIRC : N.B. la pension ARCCO est perçue par tous les salariés du privé, la pension AGIRC l'est exclusivement par les salariés dotés du statut de "cadre")
* Pensions complémentaires supplémentaires (notamment "retraite additionnelle des fonctionnaires")
* Régime de la mutualité et de la prévoyance
* Pensions d’invalidité (personnes d’âge supérieurs à 60 ans)
* Pensions d’inaptitude
* Majoration de pension (3 enfants)
2°) Pensions de droits dérivés (réversion) = 36,8 Mds d’Euros (soit 11% du total des pensions versées). Pour l’essentiel ces pensions de réversion reviennent aux femmes, après décès de leur époux (même après divorce, si non remariage), soit comme ressource exclusive de la veuve soit comme complément de leur maigre retraite (cas le plus fréquent)
La croissance de la production nationale de richesses étant plus rapide que celle de la population âgée (donc retraitée) permet de stabiliser ce rapport, voire de le faire légèrement baisser (autour des 14 à 15% du PIB, comme actuellement). Or la France est globalement 4 fois plus riche qu’en 1982 ! (PIB 1982 = 588 Mds d’Euros). Et ceci est notamment rendu possible par les gains de productivité du travail, qui font que l'on produit davantage de richesse ... même lorsque la population active baisse, dans un secteur particulier par exemple.
Sinon, comment expliquerait-on que les français peuvent mieux manger (et davantage, du moins pour la plupart d'entre-eux) en 2022 qu'en 1945 alors que la population active agricole n'a cessé de baisser depuis : en 2019 les agriculteurs représentaient 1,5% des actifs employés (tout juste 400.000 exploitations agricoles), contre 7,1% en 1982 (1,6 millions d'agriculteurs) et plus de 10 millions en 1946. Et alors que 52 % du territoire français est encore constitué de surfaces agricoles, en 2019 !
Même en pondérant (diminuant) les 2500 Mds d’aujourd’hui par le taux d’inflation entre les 2 dates (entre 1982 et 2020), donc en raisonnant en "Euros constants", on obtient un rapport de 1 à 3,5 entre les richesses réellement disponibles en 1982 et celles de 2020 … Or 1982, c’est justement l’année où a été instaurée la retraite à 60 ans ! Et on ne pourrait pas y revenir aujourd’hui ? Etrange.
La question est donc bien celle-ci : « Qui » a accaparé ce surplus phénoménal de richesses ? La réponse est simple : ce sont les profits (ou EBE, Excédent Brut d'Exploitation. On notera que cet excédent "brut" signifie qu'il peut servir à financer des investissements ... s'il est conservé dans l'entreprise qui les réalise, ou ... être distribué comme profits et autres dividendes aux actionnaires) !
Ce que montrent les 2 graphiques ci-dessous (source : INSEE)
Le premier graphique ("répartition de la valeur ajoutée en France entre 1949 et 2013") concerne la totalité des richesses (Valeurs Ajoutées - VA) produites par l'économie française (entreprises privées de tous types juridiques y compris "publiques", ménages-employeurs, administrations publiques, associations à but non lucratif produisant de la valeur ajoutée) et la manière dont elles ont été réparties sur le temps long. Le bossage de la courbe en bleu ("rémunération des salariés") atteint bien son maximum en 1982 (avec 62/62% du total de la VA produite), puis baisse rapidement jusqu'en 1989 (merci les gouvernements "socialistes" - notamment Fabius - puis chiraquiens !) pour stagner durablement vers 57/58%. En revanche, les profits (Excédent Brut d'Exploitation - EBE, ligne rouge) augmentent sensiblement (et rapîdement) de 1983 à 1990 pour se stabiliser eux aussi vers 32/33% de la VA produite.
Le second graphique ("partage de la VA des SNF en base 2000") est encore plus parlant puisqu'il ne concerne que ce "partage" au sein des "Sociétés Non Financières" (SNF, toutes les entreprises sous forme juridique de "société", donc a priori les plus grosses).
On constate que le décrochement de la part des rémunérations des salariés dans leur VA (que ce soit "aux prix de base" ou "aux coût des facteurs") date bien de 1983 et que les salaires (en "masse") plongent approximativement de 75% à 65% ... les profits de ces entreprises gonflant au même rythme, soit environ 10 points de PIB durant la même période, le mouvement étant staibilisé en 1990.
Ajoputons enfin que « En 1982, les dividendes nets versés par les sociétés non financières représentaient 4,4 % de leur masse salariale ; en 2007, on en est à 12,4 %. Autrement dit, les salariés travaillent aujourd'hui près de six semaines par an pour les actionnaires, contre deux semaines au début des années 1980. » (Michel Husson : La part salariale n'a jamais été aussi basse ! L’économie politique, 2009/2 – N°42, pp.97-104).
On constatera ensuite une légère amélioration concernant la "masse salariale" (total des salaires versés, cotisations sociales incluses, bien entendu) entre 1998 et 2002 (gouvernements Jospin), une remontée qui, hélas, ne durera pas au-delà (les données ne dépassant pas ici 2008). Bien évidement la situation ne s'est pas améliorée (pour les salariés) depuis. Rappelons que 10 points de PIB perdus par les salariés représentent 58,8 milliards d'Euros en 1982 et ... 250 milliards en 2020 !
Avec quelques points de VA (ou de PIB) regagnés par les salaires, notamment en portant tous les salaires féminins au même niveau que ceux des hommmes, tous les problèmes de financement des "caisses" de Sécurité Sociale sont résolus ... sous réserve bien évidemment que cet alignement par-le-haut ne soit pas assorti d'exonérations de cotisations sociales !
Pour financer les retraites et garantir à tous et toutes un revenu décent après la période d'activité les ressources potentielles ne manquent pas. Et l'on sait dans quelles poches les prendre ! Encore faut-il en avoir la volonté politique ...
En premier lieu, le COR constate "un déficit du système de retraite [qui] s'est creusé très massivement et a atteint 18 milliards d'euros en 2020, soit 08% du PIB" (réduit à 0,6% du PIB du fait d'un versement ponctuel du Fonds de réserve pour les retraites de 5 Mds€). Mais c'est "la très forte contraction des ressources associées au repli du PIB" du fait de l'épidémie de COVID et des mesures de confinement prises qui expliquent ce déficit conjoncturel du système de retraite [... malgré une] faible diminution des dépenses liée à la surmortalité des retraités enregistrée jusqu'à présent" (voir la synthèse du rapport du COR, juin 2021 : www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2021-06/Synthèse)
Rappelons que ce fonds de réserve, créé par la loi du 17 juillet 2001 (gouvernement Jospin) est doté de plus de 200 Mds€ à la fin 2022.
Le rapport prévoit même, à court terme, que "la part des dépenses de retraite dans le PIB serait un peu moins élevée que dans les projections de novembre 2020 (13,7% contre 13,9% dans le scénario 1,3%)" toujours du fait "d'une révision à la baisse de l'espérance de vie, et à court terme, par la prise en compte de la surmortalité liée à la COVID qui est intervenue depuis"
Puis, le COR a développé quatre scenarios sur la base de 4 hypothèses différentes concernant les gains annuels de productivité envisageables (1,0%, 1,3%, 1,5% et le plus favorable, 1,8%), associées à taux de chômage à terme de 7% (or il n'y a aucune raison de considérer que ce taux de chômage soit infranchissable ... vers le bas !) tout en reprenant les hypothèses démographiques centrales de l'INSEE (projections démographiques 2013-2070) concernant la fécondité, l'espérance de vie et les migrations) mais en minorant encore les hypothèses de fécondité et d'espérance de vie pour tenir compte des récentes évolutions constatées. Prudence, donc !
Ses conclusions sont sans équivoque :
"A partir de 2030 et jusqu'au début des années 2060, la part des dépenses de retraite dans le PIB baisserait dans tous les scénarios mais avec une amplitude variable entre eux. A l'horizon 2070 la part des dépênses de retraite serait même inférieure à celle constatée en 2019, avant-crise, dans tous les scénarios [...] Elle demeurerait toutefois à cet horizon très dépendante du scénario retenu et varierait entre 11,3% du PIB (scénario 1,8%) et 13,0% (scénario 1,0%)" [2 scénarios extrêmes de gains de productivité : ndlr].
Bref ... du très supportable, et qui peut encore s'alléger si l'on prend les mesures volontaristes de lutte contre le chômage en vue du plein emploi de toutes et de tous et à salaires égaux en fonction des qualifications, des postes de travail et des conditions d'exercice de celui-ci. Ce qui était possible en 1982 ne serait-il plus possible en 2023 et années suivantes ?
Il est bien clair qu'il en va du choix de société décidé par le politique, soit ...
- "L'Avenir en commun", tel que le soutient le programme du Parti de Gauche (son intiateur premier) et de la France Insoumise, ou ...
- "La Bourse en privé", que veulent nous imposer la macronie et ses alliés de droite tous azimuts !
Outre les régimes dits "obligatoires" (régime général + "complémentaires), qui forment les 2 étages inférieurs du "système de retraite par répartition", il existe un 3ème étage, facultatif celui-ci, qui peut être qualifié de "supplémentaire".
Celui-ci est organisé strictement par capitalisation : c’est à dire que les sommes collectées (abondées soit par le salarié, soit par l’employeur, soit par les 2) sont placées sur la marchés financiers et ce sont les intérêts de ces fonds qui procurent les revenus distribués aux "ayant-droit" comme pensions ou "rentes". En effet, les sommes collectées n’appartiennent pas à ces "fonds", qui se contentent de les placer pour en tirer des revenus, qu’ils distribuent aux "rentiers" … tout en s’octroyant des rémunérations (gestionnaires de fonds) et des profits (du fait de leurs propres apports de capitaux, y compris des capitaux empruntés auprès du système financier).
Ces dépôts sur des "sur-plémentaires" sont le plus souvent favorisés sur le plan fiscal, moyennant une période plutôt longue de dépôt. Ils forment donc une épargne exonérée d’impôts, particulièrement prisée des catégories « supérieures » du salariat (les autres n’ayant guère les moyens d’y souscrire) et qui viendra s’ajouter aux revenus de « post activité », une fois l’âge de la retraite atteint.
La multiplication des "fonds" accroît encore la part de la VA qui revient au capital … donc diminue d’autant celle que peut revendiquer le travail.
C’est l’une des explications à la baisse importante de la part salariale dans la répartition de la VA entre 1982 et 1990.
Explication logique : en nous incitant à substituer une part croissante de nos cotisations sociales (sous prétexte de « baisse des charges" incontournable) en versements vers ces fonds, donc en espérant pouvoir remplacer les "cotisations obligatoires" par des "contributions volontaires" (fonds de pension, etc.), le pouvoir politique enclenche le mécanisme de diminution de la part des rémunérations du travail dans la VA … puisque le capital ainsi placé va prélever sa part sur la plus-value globale générée par les travailleurs (salariés).
En acceptant ce principe de "substitution" ("revenus du capital différé", en lieu et place du "revenus du travail continué") les salariés creusent leur propre tombe : ils favorisent la diminution de leurs retraites par répartition !
Et la logique n’est pas du tout la même que dans le système par répartition : plus on épargne, plus on peut espérer une rente élevée … au détriment de ceux qui ne peuvent abonder ces fonds parce qu’ils n’ont aucune (ou si peu de…) épargne. C'est toute la logique de La Sociale qui est ainsi fragilisée.
Dans cette catégorie des sur-plémentaires on trouve notamment :
- Les PERP et équivalent : 40,5 Mds fin 2013
- Les fonds "fonctionnaires" : Préfond, COREM etc. soit 22,7 Mds (fin 2013)
- Tous les dispositifs de retraite supplémentaire souscrite dans un cadre professionnel (144 Mds fin 2013)
Soit un total de 185,5 Mds à la fin 2013 … Pour un total de "dépenses du régime général" (de retraites) de 115,6 Mds la même année ! C'est dire le poids qu'a pris la capitalisation depuis quelques décennies.
Et il faudrait ajouter tous les contrats de type "assurance-vie", qui remplissent le plus souvent la même fonction : procurer aux ménages aisés des revenus de post-activité tout en leur permettant des diminutions de l'impôt sur le revenu au moment de la souscription de ces contrats et durant toute la période de versement (abondements)
Le 7 mars 2023 il nous faut mobiliser partout !
Autour de soi, dans sa famille, ses ami.e.s, ses camarades de travail, au sein du quartier où l'on réside, dans tous les milieux associatifs, partout où joue le collectif. Et combattre l'individualisme dans lequel le pouvoir veut nous enfermer.
Rêver plus haut que le besoin immédiat c'est se hisser dans l'humanité ... Le 7 mars est le moment rêvé pour bloquer le système et destituer ses oligarques. Ils n'ont plus aucune légitimité, ne leur accordez plus aucune crédibilité.
Ils nous mentent, nous savons qu'ils nous mentent, ils savent que nous savons qu'ils mentent ... et ils mentent encore. Cette fois cela suffit !