Les leçons du Brexit
Les Britanniques ont voté et ont décidé de quitter l’Union Européenne. Comme à chaque fois que les peuples sont consultés, le rejet des institutions adémocratiques, austéritaires, au service de la finance et des lobbys l’emporte. Les couches populaires du salariat, celles et ceux qui subissent le plus les politiques libérales, la précarité, le chômage et la misère ne veulent plus gober le mensonge de la soi-disant “Europe qui protège”.
La leçon du Brexit est bien que le rapport de force des états nation face aux institutions européennes est possible. En début d’année l’UE, conduite par l’Allemagne n’avait pas hésité à céder aux demandes néolibérales et réactionnaires de Cameron pour éviter le Brexit. Où était Hollande à ce moment-là pour contrer cet accord inique contre les droits des travailleurs européens ?
Le peuple britannique a parlé. Mais déjà l’UE veut lui faire payer ce choix. On assiste à l’autoritarisme de Merkel et de toute l’oligarchie ordolibérale de Bruxelles qui, craignant le réveil d’autres peuples européens, s’oppose à toute négociation des conditions de la sortie des Britanniques. Il est désormais de la responsabilité des dirigeants européens et au président français en premier lieu de prendre leurs responsabilités et de traiter avec le Royaume-Uni dans un climat d’apaisement afin de parvenir à un accord préservant les classes populaires britanniques de toute recrudescence de néolibéralisme.
Ceux qui, hier, signaient avec enthousiasme le Traité de Lisbonne pleurent aujourd’hui des larmes de crocodiles sur le manque de démocratie et d’harmonisation sociale de l’UE que nous avons toujours dénoncé. Ils veulent nous concocter un nouveau traité pour 2017, nous faisant croire que cette fois-ci, ce serait différent. Hollande dit vouloir s’y opposer et feint de comprendre que ce ne sera qu’un pas de plus vers l’approfondissement d’une Europe soumise au "semestre européen", sa règle d’or et ses sanctions budgétaires. Faut-il rappeler ses promesses de renégociation du traité Merkozy, qu’il avait au final fait adopter sans en changer une seule virgule dès le début de son mandat ? Esclave consentant du semestre européen, n’a-t-il pas devancé les injonctions de Bruxelles en imposant la loi travail, le tout pour troquer une petite rallonge dans le temps dans l’application de la règle d’or budgétaire ?
Notre entrevue à l’Elysée l’a prouvé une fois de plus, la France est présidée par un soumis-acquis à l’Europe allemande du dumping social et de la politique de l’offre. S’il ne veut pas de nouveau traité, c’est qu’il accepte les existants quand l’urgence est au contraire de rompre avec. Ce qui permettrait d’améliorer la vie du peuple, l’harmonisation sociale et fiscale par le haut, la fin des paradis fiscaux, tout cela est précisément interdit par le Traité de Lisbonne ! Si certains osent encore nous dire que l’Europe peut être démocratique, qu’ils suivent avec attention comment la Commission européenne s’apprête à imposer le CETA et le TAFTA sans ratification par les Parlements nationaux. Qu’ils se penchent donc sur son alignement sur les lobbies si flagrant dans la scandaleuse prolongation de l’autorisation du glyphosate, herbicide cancérigène.
Au vu du rapport de force actuel au sein de l’Union Européenne, aucune naïveté n’est possible : cette révision des traités ne peut déboucher que sur un approfondissement du Traité de Lisbonne ou un nouveau traité aggravant plus encore les logiques autoritaires libérales et productivistes à l’oeuvre. Déjà, Merkel exige d’appliquer les sanctions à l’encontre du Portugal et de l’Espagne, pour une tolérance zéro à l’encontre des pays ne respectant pas la doxa austéritaire des 3% de déficits publics. Sarkozy de son côté a montré la partition que la droite entend jouer dans la présidentielle en défendant un nouveau traité Schengen, une partition identitaire sur l’immigration pour tenter de récupérer une partie de son électorat aspiré par Madame Le Pen.
En France comme dans l’ensemble de l’Europe, nous sommes face à deux blocs idéologiques poreux entre eux, les ordolibéraux et les libéraux nationalistes xénophobes. Dans ces deux blocs, la question sociale, écologique et démocratique n’a pas de place. Peu importe la souffrance sociale des peuples et l’impasse écologique pour les premiers, et les seconds ne font que l’exploiter pour lui substituer la question identitaire et mieux épargner les intérêts du capital.
Une autre voie est possible : la rupture avec les traités, à l’issue d’un rapport de force dans un plan A. La France , deuxième puissance européenne a un poids politique, économique et historique à jouer. Le cas échéant, une rupture unilatérale adossée à un référendum et donc le respect de la souveraineté constitue notre plan B pour construire de toutes autres coopérations entre les peuples. Comme le dit Jean-Luc Mélenchon, “L’Europe, on la change ou on la quitte.” Les promesses des eurobéats-naïfs de changer l’Europe sans menace n’est qu’illusion ou mensonge.
Doit-on craindre un isolement de la France qui en résulterait ? Non. La crise bien engagée de dislocation de l’Union Européenne doit trouver une autre issue que celle qui voit la montée de l’extrême droite, plus particulièrement à l’est. Les peuples du sud, Grèce, Portugal et Espagne seraient des partenaires pour ces nouvelles coopérations politiques de solidarité alternatives à l’austérité et à l’impasse écologique.
Dans cette course de vitesse, les tenants du système jouent a plein sur le registre de la peur.Ainsi, le Parti Populaire espagnol, aidé des médias complices, surfe sur la peur : en jouant du Brexit, avec un parallèle dressé entre la dislocation possible du Royaume-Uni et les contradictions espagnoles sur l’autonomie de la Catalogne , et de la crise interne de non-gouvernabilité du pays. L’alliance Unidos Podemos pour la seconde fois s’impose néanmoins avec plus de 20% et confirme la fin du bipartisme en talonnant le PSOE mais n’arrive hélas pas cette fois-ci encore à les devancer.
C’est donc à la campagne de la France Insoumise autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon de concrétiser en premier l’espoir de bousculer la domination des partis du système en 2017. Cet espoir se construit au présent dans chacune des batailles.
Celle pour les nouveaux droits humains nous donne un rendez-vous ce samedi à la Marche des fiertés que le gouvernement a tenté de faire annuler, pour défendre par exemple la reconnaissance du droit au changement d’état civil, libre et gratuit.
La bataille écologique se poursuit le week-end des 9 et 10 juillet contre le grand projet inutile et imposé de Notre Dame des Landes. Ce n’est pas une consultation avec un périmètre taillé sur mesure, une désinformation et une manipulation gouvernementale éhontée qui va stopper notre détermination à défendre l’intérêt général.
Enfin, le 5 juillet, une nouvelle date de manifestation est prévue, premier jour du dernier passage de la loi Travail devant l’Assemblée nationale. Qu’ils se le disent, 70% des français s’opposent au recours au 49-3 et à la loi, et la mobilisation, malgré toutes les tentatives autoritaires d’interdiction et de dissuasion ne désarme pas.
Que ce gouvernement retire le texte de loi ou que les députés qui s’y opposent le censurent !
Danielle Simonnet
Co-coordinatrice politique du Parti de Gauche