Pourquoi il faut modifier le plan local d'urbanisme de l'EMS !
Lors de la réunion du conseil de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) du vendredi 23 octobre 2020, Mme Dambach, vice-présidente en charge de la transition écologique et planification urbaine et nature et membre de Europe Ecologie les Verts (EELV), s’exprimait dans les termes suivants suite à une interpellation de Jean-Philippe VETTER intitulée « il est urgent de revoir le Plan Local Urbanisme Intercommunal (PLUi) »
« Effectivement, je vous rappelle notre ambition exposée dans notre feuille de route pour permettre la mise en œuvre d’un urbanisme véritablement résilient, soit de prioriser la qualité urbaine et la végétalisation tout en allant vers un objectif de zéro artificialisation nette c’est d’ailleurs une préconisation du gouvernement et porter une attention toute particulière à un habitat et à un cadre de vie de qualité à taille humaine pour maîtriser le rythme des constructions, tout en répondant aux besoins de logements sur le territoire, donc évidemment nous n’arrêterons pas de construire. »
Elle confirmait ainsi la volonté de l’exécutif de procéder à une 3ème modification du PLUi adopté le 16 décembre 2016 par une grande majorité et par l’ensemble des maires … à l’exception notable de Madame Dambach qui n’avait pas voté ; elle y était pourtant présente.
Dans les objectifs énoncés par Mme Dambach, nous ne trouvons pas trace de rupture avec la logique de métropolisation initiée par les lois MAPTAM (27 janvier 2014) et NOTRe (7 août 2015). Ces lois visent à renforcer les métropoles comme « les lieux essentiels de la croissance française […] elles rayonnent sur leur environnement régional, national et international et fonctionnent en réseau avec les autres grandes villes et les villes moyennes qui les entourent ». Nous retrouvons dans ces lignes les principes de la politique du « ruissellement » appliqués à l’aménagement des territoires.
Le PLUi de l’EMS s’inscrit dans cette logique de renforcement de l’attractivité de l’agglomération strasbourgeoise. D’ailleurs, il n’y a rien d’étonnant à cela : l’artisan de ce plan était Yves BUR, à l’époque maire de Lingolsheim et fervent défenseur des idées néo-libérales. Il s’agit de reconfigurer les territoires selon les lois du marché, par exemple en ayant recours à la privatisation des services publics. Ce qui est plus surprenant par contre, c’est que le PLUi a trouvé le soutien des élus du Parti Socialiste et de EELV.
Pour ceux qui pourraient penser qu’il s’agit d’un procès d’intention, la lecture du document daté du 12 septembre 2018 et intitulé « Observations SRADDET, Eurométropole de Strasbourg, projet de fascicule, juillet 2018 » est édifiante.
Je rappelle que le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET) définit une stratégie à l’horizon 2050 pour l’aménagement et le développement durable du Grand-Est ; il a été adopté par le Conseil Régional le 22 novembre 2019, suite à une large concertation.
Dans le cadre de cette consultation, voici ce que l’on peut lire de la part de l’EMS :
« Dans une logique de métropolisation, l'EMS est favorable à la pérennisation et au développement des dynamiques de développement des grandes polarités urbaines du territoire régional. Par ailleurs, elle attire l'attention sur la nécessité pour son territoire de porter des ambitions qui lui permettent de demeurer parmi les grandes métropoles de France et d'Europe ».
Cette observation de l’EMS vient en réponse à la règle n° 14 du SRADDET intitulée : « Définir des objectifs de production de logements en cohérence avec les dynamiques réelles (démographie, changements de modes de vie, parcours résidentiels) et les répartir pour renforcer l'armature urbaine locale et dans une logique d'inter-Schéma de cohérence territoriale (SCoT) ».
Dans ces lignes, l’EMS confirme cette stratégie de compétition entre les territoires, dans une logique de métropolisation, le tout en opposition à une perspective de planification écologique et solidaire.
Pourtant, cette politique est cause de conséquences néfastes comme la bétonisation, la pollution de l'air, les nuisances sonores, la cherté de la vie et les incivilités. Elle aggrave également la ségrégation des territoires et les relégations sociales : l’EMS se situe au troisième rang des Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) sur le plan des inégalités de revenus.
Il est d’ailleurs à noter que l’aspect social ne figure pas parmi les objectifs avancés par Mme Dambach : un oubli pour le moins fâcheux en ces temps d’aggravation des inégalités suite à la pandémie de COVID19.
Pourtant, le PLUi pourrait contribuer à la cohésion sociale comme le souligne le Conseil de développement de l’EMS (instance de participation citoyenne) dans un avis 29 février 2016 : « Le projet de PLUi aurait pu, davantage, souligner l’enjeu de la mixité fonctionnelle entre l’habitat et des activités compatibles avec la préservation de la qualité de vie, la mixité sociale, et le confort des résidents ».
Pour le Parti de Gauche la modification du PLUi doit rompre avec la logique marchande de la métropolisation. Elle doit traduire un projet de territoire conforme aux besoins des populations, s'attaquant réellement aux causes de l'artificialisation des sols et respectueux des principes d’égalité et de soutenabilité environnementale.
Pour ce faire, il est indispensable d’associer les citoyens, les acteurs économiques (privés ou parapublics), les associations et les élus, à l’élaboration d’une vision commune pour l’avenir du territoire. Cette phase passe par une étape de diagnostic partagé, fondé sur des données techniques solides et complété par la connaissance que les acteurs ont de leur propre territoire.
Et c’est seulement après cette phase de construction du projet politique que doit être entamée la rédaction du règlement écrit du PLU et des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) contribuant au renforcement du lien social et à un aménagement durable de l’espace.